IV. L´idonéité d´insérer une clause compromissoire
Face à cette situation inhibitrice au moment d´évaluer l´opportunité d´une action en justice visant à réparer un préjudice, il conviendrait bien évidemment que les acteurs des fruits et légumes puissent conclure des contrats écrits détaillés et précis. Toutefois, il parait illusoire de penser que, du jour au lendemain, cette pratique soit mise en place dans un secteur, étant historiquement, réticent à la contractualisation de leurs échanges commerciaux. En revanche, les relations commerciales étant principalement basées sur une relation de confiance, il pourrait être cohérent de suggérer aux acteurs d´anticiper et de prévenir les risques au moment de conclure leurs premières relations d´affaires avec un nouveau partenaire commercial. En effet, une clause compromissoire, en vertu de laquelle les parties s´engage à soumettre l´éventuelle différend devant une cour d´arbitrage, garantirait aux parties le prononcé d´une sentence relativement rapide non susceptible de recours (hormis le recours en annulation) rédigée et prononcée par des juges-arbitres indépendants, impartiaux et pleinement disponibles.
Il convient d´ajouter que la France accueille non seulement le siège mondial de la Chambre de Commerce Internationale, mais également le siège de la Chambre Arbitrale Internationale pour les Fruits et Légumes, produits frais et surgelés. Cette Chambre a pour but, notamment, "le règlement rapide et économique des litiges commerciaux pouvant survenir dans le commerce des fruits et légumes et primeurs frais et comestibles ainsi que les produits transformés"1. Cette chambre pourrait répondre aux attentes des acteurs du secteur qui reproche, notamment, aux juges nationaux de ne pas connaitre les caractéristiques du secteur des fruits et légumes de désigner des arbitres connaisseurs dès lors que l´article 5 du règlement de la Chambre Arbitrale Internationales des Fruits et Légumes dispose que « Les organisations professionnelles membres de la Chambre Arbitrale Internationale pour les Fruits et Légumes désignent pour chaque pays des arbitres parmi leurs adhérents. Ceux-ci sont inscrits sur la liste des arbitres. Le Président peut, s’il juge utile, déroger à cette règle. Les arbitres peuvent être de nationalité française ou de nationalité étrangère. Ils doivent jouir de la plénitude de leurs droits civils et exercer ou avoir exercé une fonction de responsabilité dans une organisation du secteur Fruits et Légumes ou une fonction de responsabilité commerciale ou juridique. Les Tribunaux arbitraux sont composés d’arbitres nommés suivant les modalités prévues au présent article.".
De plus, en termes de prix d´arbitrages, les coûts afférents à une procédure arbitrale sont véritablement transparents dès lors qu´ils sont publiés sur le site internet de la Chambre, à l´instar de la Chambre de Commerce Internationale. Contrairement à cette dernière, il semblerait, à la lecture du barème, que les frais à prévoir sont globalement plus abordables et permettent d´envisager sereinement l´opportunité d´une demande arbitrale lorsqu´il s´agit d´un litige visant, notamment, au recouvrement d´une créance d´un montant de petite quantité.
Par conséquent, il semblerait que l´introduction de clauses compromissoire peut répondre aux attentes des acteurs du secteur, et représenter la première étape vers une formalisation plus accrue des échanges commerciaux.
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NOTE
1. Préambule du Règlement de la Chambre Arbitrale Internationale pour les Fruits et Légumes. Consultable sur le lien suivant : http://www.arbitrage.org/admin/style/js/tinymce/uploaded/R%C3%A8glement%20Arbitrage%20CAIFL%202015_5.pdf
A propos de l'auteur
Benoît Renard, Avocat, Otero
Benoit Renard est un avocat français au Chili travaillant pour le Cabinet d´avocats Otero (www.otero.cl), partenaire de Granrut Avocats (www,granrut.com). Admis aux barreaux de Paris et de Madrid, il intervient aussi bien conseil qu´en contentieux sur des dossiers en français, en espagnol et en anglais.