La médiation1 intègre la stratégie contentieuse en propriété intellectuelle (PI) et doit être anticipée, que ce soit devant les juridictions nationales, ou les offices de PI internationaux (OMPI, EUIPO pour les marques et dessins et modèles de l’UE). Le Centre de médiation et d'arbitrage en matière de brevets de la nouvelle Juridiction unifiée du brevet (JUB) est en cours d’élaboration, et devrait ouvrir ses portes début 2026. Le recours à la médiation qui permet une intervention renforcée des parties dans la résolution de leur litige, est encouragé par les récentes réformes de procédure en réponse à la demande des différentes parties prenantes.
La médiation en PI, résultat d’une volonté commune
Les modes alternatifs de règlement des litiges (MARL), en particulier la médiation, sont devenus un outil incontournable en PI, comme le révèle les chiffres partagés lors de la Conférence sur l’arbitrage et la médiation en propriété industrielle (tenue dans le cadre de la Paris Arbitration Week en avril 2025) : en première instance, environ 20 médiations étaient initiées en 2021, contre 150 en 2024, représentant environ 10% des affaires pendantes devant la 3ème chambre du Tribunal judiciaire de Paris2. Environ 30 médiations ont lieu chaque année en appel.
M. Malik Chapuis, magistrat à la 3ème chambre et l’un de ses deux « référents médiation », a confirmé qu’au moins un tiers des litiges pouvait selon lui se résoudre par la médiation.
Magistrats et avocats en PI se sont ainsi accordés pour décrire la médiation comme « opportune et utile pour un nombre significatif de dossiers » dans le Protocole sur l’évolution des pratiques de procédure3. Ce document, signé en 2023 et mis à jour en 2024, est le résultat du dialogue entre la 3ème chambre et plusieurs associations professionnelles4 afin de s’accorder sur les bonnes pratiques judiciaires en matière de PI.
Les raisons de ce succès
L’intérêt accru pour la médiation est multifactoriel, et résulte de la possibilité de parvenir à des solutions créatives et génératrices de valeur pour les parties, qui évoluent la plupart du temps sur le même segment de marché (distributeur / fournisseur, concurrents, etc).
En effet, si obtenir une décision de justice reconnaissant par exemple la validité d’un titre et sa contrefaçon peut asseoir une certaine légitimité pour le titulaire du droit dans un domaine donné, et représenter une valeur économique, il n’en reste pas moins que la décision ne tranche que les prétentions soumises par les parties, et peut laisser de nombreuses questions pratiques en suspens. La médiation tend ainsi à atténuer l’aléa judiciaire, tout en pacifiant les relations commerciales en permettant une sortie du conflit par le haut.
Les parties définissent la portée de la médiation, afin qu’elle couvre tout le litige soumis au tribunal, ou seulement quelques aspects, ou au contraire d’autres sujets qui n’étaient pas directement l’objet du litige. Un accord peut mettre un terme à plusieurs litiges, les contentieux en PI étant souvent multi-juridictionnels.
Les parties peuvent aussi convenir de l’objet et de la nature de leur accord (de distribution, licence, coexistence, recherche, sponsoring, cession, etc), de sa portée géographique (national, régional, mondial), des produits concernés (un produit particulier ou un segment de marché, une invention, une classe de produits ou services pour les marques, etc), ainsi que sa durée et son prix.
Enfin, la médiation peut aussi permettre un gain de temps. En France, la première instance peut durer deux ans (voire plus dans certaines affaires complexes), tandis que la médiation judiciaire est enfermée dans un délai strict de trois mois, renouvelable une fois. Le litige peut être résolu en quelques mois. Si aucune solution n'est trouvée, la procédure judiciaire reprend.
A noter que la médiation peut intervenir à tout moment, y compris entre l’ordonnance de clôture et l’audience de plaidoiries, les juges ayant constaté un taux d’accord intéressant à ce stade particulier de la procédure.
1. La médiation judiciaire s’organise dans le cadre d’un litige, sous la proposition du juge ou des parties. Si les parties acceptent d’y recourir, le juge rend une ordonnance de médiation.
2. Spécialisée en PI, cette chambre connait de l’essentiel de ce contentieux en France, du fait de plusieurs compétences matérielles exclusives.
3. https://www.avocatparis.org/sites/bdp/files/2024-12/Protocole%20EPP.2024-12-17.pdf
4. L’AAPI (Association des Avocats de Propriété Industrielle), l’AFPIDA (Association Française pour la Protection Internationale du Droit d’Auteur), l’AFPPI (Association Française pour la Protection de la Propriété Industrielle), l’AIPPI France, l’APEB (Association des Praticiens Européens des Brevets), l’APRAM (Association des Praticiens du Droit des Marques et des Modèles) et le LES (Licensing Executives France) France.
