Dans une affaire marquée par une médiatisation intense et une plainte pénale déposée par une association de défense des consommateurs, le cabinet Vertice, représenté par Olivier Leroy et Elvire Mazet, revient sur sa stratégie de défense. Entre incertitude procédurale, pression médiatique et enjeux réputationnels, les avocats détaillent les leviers juridiques et communicationnels mobilisés pour protéger leur client et tirer les enseignements d’une crise où droit et image publique se conjuguent.
Quelle a été votre stratégie pour démontrer l’absence de caractère trompeur des allégations reprochées à Famille Michaud, notamment face à une médiatisation aussi intense ?
En présence d’une plainte pénale et à défaut de pouvoir accéder, par principe, au contenu de celle-ci, la difficulté rencontrée tenait au fait que Famille Michaud ne disposait pas des allégations portées par UFC Que Choisir. Famille Michaud a été informée par les médias de cette plainte, en même temps que le grand public. Jusqu’au classement sans suite, conformément à la procédure, Famille Michaud a travaillé à l’aveugle.
Seule était publique l’allégation infâmante de « pratique commerciale trompeuse », sans autre précision. Le communiqué de presse diffusé par UFC Que Choisir, les nombreux articles et interviews parus dans la presse écrite/TV et sur les réseaux sociaux ainsi que les interviews télévisées alimentaient nos réflexions.
Dans ce contexte particulier, le premier temps invitait à dresser l’inventaire d’éventuelles pratiques litigieuses qui auraient pu être interrogées. En étroite collaboration avec la Direction Marketing & Communication de Famille Michaud, cet audit des pratiques du leader français du conditionnement et de la commercialisation du miel aboutit rapidement au constat de la conformité de celles-ci.
Nous avons ensuite bâti une argumentation juridique sur le fondement des dispositions des articles L.121-1 à 121-4 du Code de la consommation, pour anticiper toutes questions des enquêteurs pour démontrer l’absence de toute qualification de pratiques commerciales trompeuses au cas présent.
Au final, l’enquête révéla d’elle-même l’absence de toute caractérisation d’une quelconque infraction par Famille Michaud. L’administration et le Parquet se sont rejoints pour considérer que la plainte ne devait aucunement prospérer.
Quelles ont été les principales difficultés rencontrées pour faire reconnaître que la plainte d’UFC Que Choisir relevait de la dénonciation calomnieuse ?
Les allégations mensongères qui tentaient de fonder la plainte déposée par l’association de consommateur ainsi que le plan de communication développé par l’UFC Que Choisir ont créé les conditions d’une hypermédiatisation de cette affaire. Plus de 90 médias ont relayé l’information, commenté ces griefs allégués et infamants, et au final jeté l’opprobre sur cette entreprise familiale, pourtant dotée d’une belle réputation en matière de qualité et de loyauté tant à l’égard des apiculteurs que des consommateurs.
C’est pour cette raison que Famille Michaud a déposé une plainte en dénonciation calomnieuse à l’encontre de UFC Que Choisir. Famille Michaud ne pouvait accepter que sa réputation et la qualité de ses relations commerciales soient ternis sans fondement.
À ce jour, nous n’avons pas d’information sur les suites qui seront données à cette plainte.
Quels enseignements tirez-vous de cette affaire pour les entreprises confrontées à des accusations publiques pouvant impacter leur réputation ?
Les accusations publiques, en particulier formulées par UFC Que Choisir, sont portées par le crédit généralement prêté aux associations de défense des consommateurs. La défense des entreprises incriminées par voie de communiqué de presse doit ainsi s’organiser en contrepoids, par la complémentarité de la communication et du droit. Les avocats et les communicants concourent ensemble à élaborer une stratégie de défense et de cantonnement des effets d’une telle médiatisation.
Cette collaboration entre avocats et communicants est animée par le respect des compétences respectives. Elle doit être efficace et se matérialiser à bref délai par des actions concrètes de diverses natures. Le risque d’atteinte à la réputation des entreprises est immédiat, et les effets sur celle-ci sont susceptibles d’être durables.
Malgré l’urgence, ces dossiers exigent méthode et sang-froid. La direction générale du client décide à la lumière des analyses et moyens proposés par ses conseils internes et externes. Le mode gestion de crise est incontournable, la situation est rude tant l'écho médiatique est complexe à anticiper ou gérer.