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L’avocat, stratège de la paix et régulateur d’émotions

Dans un univers économique saturé de litiges, l’avocat n’est plus seulement un combattant du prétoire. Pour Bérengère Peyrat, Cézane Avocat, il devient stratège de la paix, capable de prévenir l’escalade judiciaire et de préserver les relations d’affaires. Régulateur d’émotions, il humanise le conflit et ouvre la voie à des solutions durables.

Dans un monde économique où les litiges se multiplient, l’avocat reste souvent perçu comme un guerrier du contentieux : conclusions incisives, plaidoiries vigoureuses, défense sans concession. Mais une autre facette, plus discrète, mérite d’être mise en lumière : celle du stratège de la paix, capable de désamorcer les conflits avant qu’ils ne dégénèrent.

C’est dans la phase précontentieuse que ce rôle s’affirme. Souvent sous-estimée, elle peut pourtant tout changer : éviter l’escalade judiciaire, préserver des relations d’affaires, contenir les coûts, garder la main sur le calendrier. Dans ce moment charnière, l’avocat n’est plus seulement technicien du droit : il devient négociateur, facilitateur, artisan de solutions.

Ce rôle exige des compétences qui dépassent le juridique. L’une d’elles, rarement enseignée, s’avère essentielle : la gestion des émotions. Contrairement à l’idée reçue, les litiges commerciaux ne sont pas seulement rationnels. Ils sont traversés par la colère, la peur, le sentiment d’injustice. Mal régulées, ces émotions durcissent les positions et bloquent tout compromis.

L’avocat peut alors jouer un rôle de régulateur émotionnel. En offrant écoute et distance, il aide son client à retrouver une posture stratégique. Il ne se substitue pas au psychologue, mais humanise le conflit : comprendre ce qui se joue derrière les mots, les silences ou les postures permet de recréer un climat propice au dialogue.

Le métier d’avocat ne consiste donc pas seulement à appliquer le droit, mais aussi à accompagner des hommes et des femmes traversant un conflit. Cette posture demande du courage : proposer une voie amiable quand tout incite à l’affrontement, rappeler que la victoire ne se mesure pas toujours à une décision judiciaire. Elle exige aussi de la finesse et l’acceptation de l’incertitude. Négocier, c’est parfois accepter de « perdre juridiquement » pour mieux gagner économiquement ou humainement.

Cette évolution s’inscrit dans un mouvement plus large de transformation de la justice commerciale illustrée notamment par la création en 2023 de l’Audience de Règlement Amiable (ARA), initialement réservée aux litiges civils puis étendue en 2024 aux tribunaux de commerce. Désormais codifiée à l’article 1532 du Code de procédure civile, l’ARA permet au juge, tout en n’interrompant pas l’instance, de convoquer les parties devant un magistrat tiers, chargé de favoriser un accord. La négociation bénéficie alors d’un espace sécurisé, propice à la construction d’une solution concertée.

Ce dispositif renforce le rôle de l’avocat. Il lui revient de guider son client dans cette démarche, de sécuriser l’accord, mais aussi de gérer la dimension émotionnelle des discussions. L’ARA ne fait donc pas qu’introduire un outil procédural : elle institutionnalise le rôle de l’avocat comme artisan du dialogue et médiateur de confiance.

Adopter cette posture commence souvent par des gestes simples : proposer une phase de dialogue avant toute mise en demeure, reformuler les attentes du client en termes d’intérêts plutôt que de positions, ou encore identifier les émotions qui traversent le conflit pour mieux les canaliser. L’avocat peut aussi s’appuyer sur des outils existants comme l’ARA, suggérer une médiation encadrée, ou intégrer des clauses de résolution amiable dans les contrats. Se former à la négociation raisonnée ou à la communication non violente peut enfin enrichir sa pratique et renforcer son efficacité dans les litiges commerciaux.

Ainsi se dessine une évolution profonde : l’avocat du XXIe siècle n’est pas seulement un orateur ou un stratège procédural, il est aussi un professionnel du lien. Sa valeur se mesure autant à sa capacité à bâtir des ponts qu’à défendre une position. La véritable victoire de l’avocat ne réside-t-elle pas, parfois, dans le conflit qu’il a su éviter ?

Bérengère Peyrat, Cézane Avocat

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