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Le pacte Dutreil : une fausse dépense fiscale

Forts de son expérience et de sa présence au cœur de l’économie, Fidal prend aujourd’hui la parole pour défendre le pacte Dutreil.

Ne sacrifions pas l’avenir des entreprises familiales françaises !

Fidal, premier cabinet d’avocats d’affaires en France, accompagne les entreprises depuis plus de 100 ans. Présents sur l’ensemble du territoire, ses 1200 avocats, exerçant dans 87 villes de France, conseillent des dizaines de milliers de PME, d’ETI et de grands groupes dont beaucoup sont toujours des entreprises familiales.

Les très nombreuses opérations réalisées pour nos clients nous ont permis d’acquérir une connaissance approfondie de leur mode de fonctionnement et de leurs problématiques de transmission.

Nous accompagnons 30% de nos clients depuis plus de 30 ans, certains depuis plus longtemps encore. Nous suivons donc leur évolution sur le très long terme.

Fort de cette expérience concrète et inégalée, nous souhaitons témoigner du fait que l’existence des entreprises familiales est absolument indispensable pour notre économie et la souveraineté nationale et qu’il serait particulièrement dangereux de remettre en cause, comme certains le préconisent, le dispositif Dutreil, qui, seul, permet leur transmission et leur conservation au sein de la famille.

Un récent rapport de la Cour des comptes tend à démontrer que de plus en plus d’entrepreneurs recourent à ce dispositif. Au lieu de se féliciter de ce qui constitue une excellente nouvelle, compte tenu du retard chronique de la France en matière de transmission familiale d’entreprises par rapport à tous ses voisins européens, il prône un resserrement du dispositif pour en réduire les possibilités d’application au motif qu’il représenterait une » dépense fiscale » de 5 milliards d’euros en 2024.

L’argument budgétaire avancé par la Cour des comptes est erroné pour plusieurs raisons.

  • Il repose d’abord sur un postulat irréaliste : les chefs d’entreprises ayant transmis en 2024 sous ce régime (taux d’imposition sur la valeur de l’entreprise transmise compris en général entre 5 et 11%) auraient pu réaliser la même opération au taux de 45 % sans le pacte Dutreil. Or, la transmission d’une entreprise, actif non liquide, est tout simplement impossible dans un environnement de droits de succession aussi lourds que ceux à 45 % qu’applique la France, a fortiori lorsque sa valeur est significative. Démonstration en a été faite entre 1983 et 2000 : à cette époque, le pacte Dutreil n’existait pas et presque aucune transmission familiale significative n’a été réalisée. Les chefs d’entreprise prenant leur retraite étaient contraints de vendre leur entreprise à des tiers, souvent un groupe étranger ou un fonds d’investissement. C’est pour cette raison et pour éviter la destruction progressive du tissu entrepreneurial français que le dispositif Dutreil a été créé en 2000.
  • La seconde erreur de raisonnement dans le rapport de la Cour des comptes réside dans l’absence de prise en compte des recettes fiscales immédiates résultant des donations qu’il favorise. La transmission d’une entreprise sous pacte Dutreil est en effet réalisée dans plus de 90 % des cas par transmission entre vifs et non au décès du chef d’entreprise. Des droits de donation significatifs sont alors acquittés par anticipation. À défaut, ils n’auraient été dus par les héritiers qu’au décès de leurs parents, soit plusieurs décennies plus tard.

Dans le contexte budgétaire actuel, il est préférable pour l’État d’encaisser rapidement des recettes fiscales, même moindres, plutôt que d’attendre plusieurs décennies d’hypothétiques droits de succession En outre, inciter le chef d’entreprise à transmettre par donation alors qu’il n’est pas encore trop âgé améliore aussi considérablement les chances de réussite de la transmission par rapport à celle qui résulte d’un décès.

  • La Cour des comptes omet aussi de tenir compte de multiples effets positifs. Une entreprise qui reste française et n’aura pas subi une saignée de sa trésorerie, distribuée sous forme de dividendes pour permettre aux héritiers d’acquitter des droits de succession trop élevés, pourra continuer à investir et à développer son activité économique. Elle génèrera alors des rentrées fiscales plus importantes pour l’Etat les années suivantes au titre de différents autres impôts (Impôt sur les sociétés, TVA, etc).

L’Assemblée Nationale avait pour sa part adopté trois amendements visant à restreindre le dispositif.

  1. Allonger la durée de conservation des titres sociaux de six à huit ans, tel que proposé, alourdirait inutilement les contraintes pour les héritiers, alors que la France impose déjà une durée située dans la moyenne haute par rapport aux autres pays européens. Cette rigidité découragerait les transmissions sans générer de recettes supplémentaires pour l’État.
  2. Imposer qu’un donataire ait entre 18 et 60 ans exclurait les familles avec enfants mineurs, alors que dans le dispositif rien n’oblige ces derniers à exercer immédiatement des fonctions de direction. Cet amendement va à l’encontre du bon sens, car favoriser une transmission précoce maximise les chances de survie de l’entreprise.
  3. Limiter l’exonération aux seuls actifs professionnels repose sur l’illusion qu’il est simple d’identifier et d’évaluer les actifs non professionnels. En réalité, cette mesure entraînerait des difficultés pratiques de mise en œuvre dans les groupes comportant de nombreuses filiales, un surcoût fiscal souvent impossible à financer pour les entreprises concernées, et une multiplication des contentieux s’agissant d’apprécier l’affectation professionnelle de certains actifs (trésorerie, réserves foncières).

En résumé, ces amendements complexifieraient et renchériraient la transmission des entreprises familiales, sans bénéfice réel pour les finances publiques, et risqueraient de fragiliser durablement le tissu entrepreneurial français.

Le Conseil Supérieur du notariat vient lui aussi de proposer un durcissement du dispositif. Nous pensons pour les raisons énoncées ci-dessus que de telles propositions sont inopportunes. Il faudrait au contraire favoriser au maximum les possibilités de mise en œuvre du dispositif et non le limiter.

Enfin, un rapport de l’Institut des politiques publiques prétend démontrer que l’entreprise familiale ne présente en réalité aucun intérêt pour l’économie. Sur ce point, nous nous inscrivons en faux. L’expérience concrète que nous avons accumulée en suivant des milliers d’entreprises familiales depuis des décennies nous a permis de constater qu’elles présentent au contraire de très nombreux avantages non seulement pour l’économie nationale mais aussi dans bien d’autres domaines :

  1. Les entreprises familiales distribuent moins de dividendes que la moyenne des entreprises, ce qui les rend plus résistantes en cas de crise, et plus résilientes.
  2. Elles inscrivent leur développement sur le long terme, ce qui leur permet d’investir sur des projets à plus longue échéance et notamment d’être plus actives en matière de développement durable et de transition énergétique.
  3. Elles développent aussi un meilleur climat social (moins d’absentéisme, moins de grève).
  4. Elles présentent un fort ancrage territorial. La plupart d’entre elles restent implantées à l’endroit où elles ont été créées et peuvent représenter dans certaines communes la principale ressource en matière d’emplois et de financement de la collectivité.
  5. Enfin, dans certaines régions ou secteurs d’activités, dans lesquels il n’existe pas suffisamment de candidats acquéreurs, la transmission familiale est parfois la seule issue au moment du départ en retraite du chef d’entreprise. Si l’on la rend impossible en raison des droits de succession de telles entreprises disparaitront ainsi que leurs emplois.

Ces externalités positives des entreprises familiales sont des évidences pour qui connait la réalité du terrain. Elles sont d’ailleurs unanimement partagées à l’étranger.

Tous les pays frontaliers favorisent la transmission familiale des entreprises en prévoyant des dispositifs permettant de réduire la fiscalité applicable, alors même que dans la plupart de ces pays, elle est déjà, en droit commun, nettement plus faible qu’en France.

Le Parlement européen lui-même a adopté le 8 septembre 2015 une résolution reconnaissant toutes ces caractéristiques favorables et appelant les États membres à ne pas entraver l’activité et la transmission des entreprises familiales, notamment à cause de la fiscalité successorale.

Le coût fiscal constitue en effet l’un des obstacles majeurs de la transmission familiale des entreprises. Une enquête menée en grandeur réelle en Grèce à la suite d’une réforme ayant fortement réduit les droits de succession en 2002 (de 20 % à 2 %) a démontré que dans les années qui ont suivi, le taux de transmission familiale avait pratiquement doublé, et que les entreprises concernées continuaient à investir et à se développer ; là où, avant la réforme la ponction fiscale importante opérée sur la trésorerie de la société pour acquitter les impôts de transmission, réduisait fortement l’investissement. Cela semble une évidence. Il est donc particulièrement surprenant que l’analyse conduite en France puisse aboutir à un constat différent.

Rappelons qu’en France, seulement 15 % des entreprises sont transmises au sein des familles, contre 50 % en Allemagne et 70 % en Italie. Ce retard fragilise notre tissu économique et explique pourquoi nous comptons nettement moins d’ETI que nos voisins.

Durcir le pacte Dutreil, c’est prendre le risque de fragiliser l’économie française et de compromettre la souveraineté nationale. L’enjeu est majeur : il est temps d’alerter et d’agir avant qu’il ne soit trop tard.

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