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Vers un registre national des personnes inéligibles

Dans un contexte de défiance croissante envers les institutions politiques, la sénatrice des Français de l’étranger, Sophie Briante Guillemont, propose une réforme pour renforcer la transparence et la fiabilité du processus électoral : la création d’un registre national des personnes inéligibles.

La proposition de loi portée par la sénatrice Sophie Briante Guillemont trouve son origine dans deux faits marquants qui ont mis en lumière les failles du système actuel de vérification de l’éligibilité des candidats.

Le premier concerne l’annulation d’une élection législative, consécutive à la candidature d’un individu placé sous curatelle renforcée — une situation qui le rendait légalement inéligible. La préfecture, chargée de valider les candidatures, n’avait pas détecté cette inéligibilité, révélée tardivement par la presse entre les deux tours. Bien que le candidat n’ait pas remporté l’élection, sa présence au second tour a suffi à entacher la sincérité du scrutin, entraînant son invalidation par le Conseil constitutionnel.

Le second déclencheur est un rapport de la Cour des comptes, qui recommande la création d’un registre national des personnes inéligibles, notamment celles frappées d’une peine complémentaire prononcée par le juge pénal. À ce jour, ces informations sont éparpillées entre différentes bases et juridictions, rendant leur vérification complexe, voire impossible à grande échelle. Ce constat est particulièrement préoccupant à l’approche des élections municipales, où près de 950 000 candidatures sont attendues — un volume incompatible avec un contrôle manuel via les casiers judiciaires.

Un registre pour centraliser quatre types d’inéligibilité

Le texte prévoit la mise en place d’un registre national des personnes inéligibles, alimenté par quatre sources :

  1. Les décisions du juge pénal (peines complémentaires d’inéligibilité)

  2. Les mesures de tutelle et curatelle

  3. Les décisions du juge administratif

  4. Les décisions du Conseil constitutionnel

Ce registre vise à faciliter le travail des préfectures et du ministère des Affaires étrangères (pour les conseillers des Français de l’étranger), en leur fournissant une base fiable pour vérifier l’éligibilité des candidats.

Initialement, la sénatrice proposait que le ministère de l’Intérieur gère ce fichier. Toutefois, cette disposition a été amendée en commission des lois : la responsabilité de gestion sera déterminée par le gouvernement, qui pourra l’attribuer à la justice, à l’INSEE ou à un autre organisme compétent.

Transparence, efficacité et respect des décisions judiciaires

L’objectif principal du registre est double :

  • Renforcer la transparence électorale : aujourd’hui, il est impossible de connaître le nombre exact de personnes inéligibles en France. En 2024, on estime que 85 000 personnes ont été placées sous tutelle ou curatelle, et 16 000 ont reçu une peine d’inéligibilité pénale.

  • Respecter les décisions de justice : il est essentiel que les mesures d’inéligibilité soient effectivement appliquées, et non découvertes par hasard ou trop tard.

La CNIL a donné un avis favorable au projet, soulignant que ce registre permettrait de cibler uniquement les données pertinentes (comme l’inéligibilité), sans exposer d’autres informations sensibles contenues dans le casier judiciaire.

La proposition de loi a été votée et amendée en commission des lois mercredi 29 octobre. Elle doit être examinée en séance plénière jeudi 6 novembre. Selon la sénatrice, le texte bénéficie d’un large soutien politique, et son adoption semble bien engagée.

Pour Sophie Briante Guillemont, cette réforme est avant tout une réponse à la crise de confiance dans les institutions : « Plus le processus électoral sera solide, plus les citoyens le ressentiront également. » Elle insiste sur l’importance de garantir la sincérité du scrutin et de respecter les décisions judiciaires, afin d’éviter des annulations d’élections évitables.

Arnaud Dumourier

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