6. Obligations d’information et de conseil : le "lourd" fardeau de la preuve
Le prestataire de service informatique, en tant que professionnel, est débiteur d’une obligation d’information et de conseil à l’égard de son client profane. Par un arrêt du 2 juillet 2014 (8), la Cour de Cassation a réaffirmé la force de cette obligation en rappelant que c’est au professionnel qu’il appartient de prouver l’exécution de cette obligation.
Dans cette affaire, la société RISC, en liquidation judiciaire, avait conclu avec l’association CRESS et la société civile professionnelle CUBIC des contrats d’abonnement et de prestations incluant la fourniture d’un matériel informatique et l’accès à un service collaboratif de sécurité informatique, le matériel étant loué auprès de la société PARFIP FRANCE.
Après la livraison et l’installation conforme, l’association CRESS et la SCP Cubic se sont plaint de dysfonctionnements persistants du processus de sauvegarde des données et ont fait assigner la société RISC et la société PARFIP FRANCE aux fins de résolution des contrats et restitution des sommes versées.
En appel, les juges du fond n’ont pas retenu de manquement du fournisseur à son obligation de conseil pour n’avoir pas vérifié que le système de sécurité informatique fourni était compatible avec la connexion internet dont disposaient les clientes. Les juges ont considéré que le fournisseur leur avait conseillé de modifier leur connexion et qu’il n’y avait pas lieu de pallier à la carence des sociétés clientes dans l’administration de la preuve.
La Cour de cassation estime au contraire que la Cour d’appel devait rechercher si le fournisseur avait prescrit à ses cocontractantes une solution adaptée à leurs besoins, y compris en s’assurant de la compatibilité de leur plateforme aux outils informatiques fournis. Pour la Cour, le devoir de conseil oblige le prestataire de service professionnel à se renseigner sur les besoins de ses clientes et à les informer des contraintes techniques des systèmes proposés. La Cour considère en outre que s’il incombait aux clientes de déterminer la configuration de l’installation et de se doter des équipements nécessaires, elles devaient recevoir à cette effet une information circonstanciée et personnalisée dont le prestataire devait fournir la preuve.
En inversant la charge de la preuve du respect de cette obligation par le prestataire, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Le profane conserve son privilège.
A suivre en 2015…
Eléonore Varet, associée du cabinet Gilles Vercken
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NOTES :
(1) Tribunal de Paris, 8ème chambre, 28 octobre 2014
(2) Tribunal de commerce de Paris, 15ème chambre, 6 juin 2014, RPM / EMV
(3) Tribunal de commerce de Marseille, 25 avril 2014, Open Up / Simpliciweb
(4) Tribunal de grande instance de Paris, 5ème chambre, 1ère section, 13 mai 2014, Selarl cabinet d’avocats Dufour & Iosca / Secib
(5) Cour de cassation, chambre commerciale, 29 juin 2010, Oracle / Faurecia
(6) Tribunal de commerce de Nanterre, 2ème chambre, 2 mai 2014, Pharmodel / Tamaya Telelcom, Patrick L.
(7) Cour de cassation, chambre commerciale, 24 juin 2014, Credit immobilier de France-développement / M. X
(8) Cour de cassation, 1er chambre civile, 2 juillet 2014, Risc Group / Association CRESS et SCP CUBIC
A propos de l'auteur
Eléonore Varet, Associée, Gilles Vercken
Eléonore Varet accompagne les entreprises et institutions, aussi bien françaises qu’internationales, dans le cadre de leurs projets numériques. A ce titre, elle intervient sur toutes les problématiques liées aux contrats informatiques, aux projets web ainsi qu’en matière d'externalisation de systèmes informatiques et de processus métier. Elle assiste par ailleurs les entreprises dans le cadre de leur stratégie de gestion et de protection des données à caractère personnel et sur l’ensemble de leurs problématiques en droit commercial.