L’incertitude générale qui régnait quant au cadre juridique applicable à l'avortement en cas d’anomalies fœtales, à cause du retard observé dans la publication de la décision de la Cour constitutionnelle polonaise, a violé le droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante garantie par la CEDH.
L’affaire concerne des restrictions qui ont été imposées au droit à l’avortement en Pologne.
Dans son arrêt de chambre (requête n° 6030/21), rendu le 13 novembre 2025 dans l'affaire A.R. c/ Pologne, la Cour européenne des droits de l’Homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Par un arrêt du 22 octobre 2020 (requête n° 40119/21), la Cour constitutionnelle déclara inconstitutionnelles des dispositions de la loi sur le planning familial, la protection du fœtus humain et les conditions autorisant l’interruption de grossesse qui permettaient d’avorter légalement en cas d’anomalies fœtales. L’arrêt ne fut publié que le 27 janvier 2021. Cette décision suscita de vastes protestations, notamment des manifestations qui rassemblèrent des milliers de personnes dans tout le pays.
Au moment du prononcé de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, la requérante était enceinte de 15 semaines. Les résultats de tests médicaux confirmaient que le fœtus était atteint d’une maladie génétique. Elle se rendit aux Pays-Bas, où la grossesse fut interrompue dans une clinique privée.
La Cour juge que l’ingérence dans l’exercice de ses droits par la requérante a découlé de la situation de grande incertitude qui a régné entre le prononcé de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, en 2020, et sa publication, en 2021. Entretemps, il était difficile de savoir si les restrictions à la pratique de l’avortement pour anomalies fœtales étaient déjà entrées en vigueur ou si l’avortement pouvait encore être effectué légalement.
L’ingérence dans l’exercice de ses droits par la requérante n’était pas "prévue par la loi", à raison à la fois de la composition de la formation de la Cour constitutionnelle qui a rendu l’arrêt du 22 octobre 2020 et du manquement à l’exigence de prévisibilité requise par l’article 8, lequel était dû à l’incertitude générale qui régnait (...)
