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QPC : l'exécution provisoire de toute sanction pénale doit être spécifiquement motivée

Le Conseil constitutionnel a jugé conforme, sous réserve, à la Constitution les dispositions législatives relatives à la modalités d'exécution des peines alternatives, des peines complémentaires et des mesures de personnalisation de la peine en matière correctionnelle. Il juge que l'exécution provisoire de toute sanction pénale doit être spécifiquement motivée.

Le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité à la Constitution du quatrième alinéa de l’article 471 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

En premier lieu, selon l’article 708 du code de procédure pénale, l’exécution de la ou des peines prononcées à la requête du ministère public a lieu, en principe, lorsque la décision est devenue définitive.
Par dérogation, le tribunal correctionnel peut, en vertu des dispositions contestées, déclarer exécutoires par provision les peines alternatives et les peines complémentaires à l’emprisonnement ou à l’amende prononcées en application des articles 131-4-1 à 131-11 du code pénal, ainsi que les mesures de personnalisation de la peine prises sur le fondement des articles 132-25 à 132-70 du même code.
Dès lors que l’exécution provisoire prévue par ces dispositions s’attache à une sanction pénale prononcée par la juridiction répressive après que celle-ci a décidé que la culpabilité du prévenu est légalement établie, elle n’est pas incompatible avec le principe de la présomption d’innocence garanti par l’article 9 de la Déclaration de 1789.

En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation, telle qu’elle ressort de l’arrêt de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, que la juridiction n’a pas l’obligation de motiver la décision par laquelle elle déclare exécutoire par provision une sanction pénale, autre que l’inéligibilité, prononcée en application des articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du même code.
Toutefois, les dispositions contestées s’appliquent à des sanctions de nature à porter atteinte à des droits et libertés constitutionnellement garantis d’une personne qui n’est pas définitivement condamnée. Au surplus, dans le cas où l’exécution provisoire risquerait d’entraîner des conséquences manifestement excessives, la personne condamnée ne dispose pas de procédure lui permettant d’en obtenir la suspension.
Sauf à méconnaître le principe d’individualisation des peines,
il revient au juge d’apprécier, en motivant spécialement sa décision sur ce point, le caractère proportionné de l’atteinte que l’exécution provisoire de la sanction est susceptible de porter à un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Dans ce cadre, il se détermine au regard des éléments contradictoirement discutés devant lui, y compris à son initiative, afin de tenir compte des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale.
Il résulte de ce qui précède que, sous cette réserve, qui ne s’applique qu’aux affaires dont la juridiction de jugement est saisie postérieurement à la date de publication de la présente décision, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d’individualisation des peines.

En dernier lieu, il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction.
En permettant au juge d’ordonner l’exécution provisoire de certaines sanctions pénales, le législateur a souhaité assurer, en cas de recours, l’efficacité de la peine et prévenir la récidive. Ce faisant, il a entendu mettre en œuvre l’exigence constitutionnelle qui s’attache à l’exécution des décisions de justice en matière pénale, et a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.
Les dispositions contestées sont sans incidence sur l’exercice des voies de recours ouvertes contre la décision de condamnation.
Par ailleurs, d’une part, l’exécution provisoire des sanctions prononcées ne peut être ordonnée par le juge pénal qu’à la suite d’un débat contradictoire au cours duquel la personne prévenue peut présenter ses moyens de défense et faire valoir sa situation. D’autre part, le juge est tenu d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte que l’exécution provisoire de la sanction est susceptible de porter à un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté.

Par conséquent, sous la réserve énoncée ci-dessus, le Conseil constitutionnel juge, dans sa décision n° 2025-1175 QPC du 5 décembre 2025, que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus les principes de légalité et de nécessité des peines, ni le principe d’égalité devant la justice, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

© LegalNews 2025
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