Le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) vient de publier un rapport sur l’articulation entre les procédures collectives françaises et le régime européen de résolution bancaire, à la demande de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et sous la présidence de Pierre Minor, Avocat associé, Coat Haut de Sigy de Roux Minor, Membre du HCJP.
Coexistence de deux régimes juridiques
Depuis la transposition de la directive européenne BRRD du 15 mai 2014, la résolution bancaire – procédure dérogatoire administrée par les autorités de supervision (notamment l’ACPR et la Banque centrale européenne) – s’ajoute aux procédures collectives traditionnelles du droit français (sauvegarde, redressement judiciaire, conciliation, liquidation judiciaire).
Le rapport rappelle que cette dualité répond à la nécessité de protéger la stabilité financière et les déposants, tout en respectant les droits fondamentaux des créanciers et des actionnaires. Cependant, cette coexistence soulève des questions de cohérence et d’efficacité.
Liquidation judiciaire : un outil incontournable
Le groupe de travail a estimé que la liquidation judiciaire restait indispensable. Elle constitue le « contrefactuel » de la résolution bancaire, c’est-à-dire la référence à laquelle se compare la procédure de résolution pour garantir qu’aucun créancier ne soit lésé (« no creditor worse off »). Elle permet également de liquider les entités ou actifs résiduels issus d’une procédure de résolution.
Le rapport souligne toutefois que des adaptations pourraient être envisagées à l’avenir pour mieux tenir compte des spécificités des établissements de crédit.
Conciliation, sauvegarde et redressement judiciaire : des procédures à l’utilité remise en question
En revanche, le groupe de travail s’est interrogé sur l’opportunité de maintenir les procédures de conciliation, de sauvegarde et de redressement judiciaire pour les établissements de crédit. Pour la sauvegarde et le redressement judiciaire, le rapport montre que ces procédures sont rarement utilisées, voire jamais, pour les banques. Leur ouverture nécessite généralement l’avis conforme de l’ACPR, et leur publicité risque d’entraîner une perte de confiance des déposants, ce qui aggraverait la situation de l’établissement. De plus, les outils offerts par la résolution bancaire sont plus puissants et mieux adaptés aux spécificités du secteur financier.
La conciliation, procédure amiable et confidentielle, présente un intérêt particulier pour résoudre des difficultés ponctuelles, notamment juridiques ou organisationnelles, mais son utilité pour les difficultés économiques ou financières est limitée, compte tenu du nombre élevé de déposants et des obligations d’information du marché.
Extension des pouvoirs des autorités de résolution : une réforme risquée ?
Le rapport s’interroge également sur l’opportunité d’étendre les outils dont disposent les autorités de résolution bancaire, notamment pour contraindre les actionnaires à recapitaliser une banque en difficulté ou pour suspendre les droits de certains tiers en amont de la résolution, afin d’éviter une intervention publique. .
Le groupe de travail met en garde contre les risques d’une telle réforme : atteinte au droit de propriété, à la responsabilité limitée des actionnaires, et à la liberté d’entreprendre. Il souligne que l’introduction de nouvelles mesures coercitives en amont de la résolution risquerait de perturber l’équilibre fragile entre intérêt public et intérêt privé, et pourrait avoir des effets négatifs sur les investisseurs, les déposants et les finances publiques>.
Au final, le rapport du HCJP recommande la prudence. Il ne préconise pas la suppression immédiate des procédures collectives pour les établissements de crédit, mais suggère d’envisager leur réforme à la lumière des évolutions européennes, notamment la révision en cours de la directive BRRD. Il insiste sur la nécessité de maintenir un équilibre entre efficacité, protection des droits fondamentaux et stabilité financière, tout en laissant aux pouvoirs publics le soin de trancher sur l’opportunité d’une réforme plus profonde.
Arnaud Dumourier