Lors d’une perquisition, les documents couverts par le secret professionnel mais ne relevant pas de l'exercice des droits de la défense demeurent saisissables, comme en l'espèce une consultation d'avocat et une note d'honoraires.
À la suite d'un signalement de la chambre régionale des comptes sur des irrégularités dans la passation de contrats entre une compagnie de navigation aérienne et un aéroport exploité, durant la période en cause, par une chambre de commerce et d'industrie (CCI), puis par un syndicat mixte, le procureur de la République financier a été autorisé par le juge des libertés et de la détention (JLD) à effectuer des perquisitions sans assentiment en divers lieux.
Lors des opérations de perquisition menées dans les locaux occupés par le syndicat mixte, son directeur s'est opposé à la saisie de documents susceptibles de relever de l'exercice des droits de la défense et d'être couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
Ces documents ont été placés sous scellés et transmis au JLD lequel a ordonné la restitution de diverses pièces au syndicat mixte et le versement des autres à la procédure.
La CCI, le syndicat mixte et le procureur de la République financier ont formé des recours contre cette décision.
Pour ordonner le versement de l'ensemble des documents saisis à la procédure, le président de la chambre de l'instruction de Paris a énoncé que le secret professionnel attaché à l'activité de conseil de l'avocat est protégé mais que, en matière de saisie de pièces au cours d'une procédure pénale, seules sont couvertes par ce secret celles qui relèvent de l'exercice des droits de la défense. Le juge a indiqué qu'il en était ainsi lorsque la personne qui prend conseil s'attend à être prochainement poursuivie ou, sachant avoir commis une infraction pénale, prépare sa défense.
Il a en revanche estimé que la simple volonté du client de sécuriser une situation juridique avec le concours d'un avocat ne conférait pas un caractère absolu au secret d'une consultation.
Appliquant cette analyse à la consultation d'avocat saisie, il a relevé qu'elle avait eu pour objet d'identifier les risques que pouvaient présenter deux contrats en cours et de proposer la structure contractuelle la plus adéquate. Si des risques de contentieux commerciaux, financiers, civils et pénaux y étaient évoqués, c'était uniquement pour les écarter par les préconisations formulées. Divers litiges n'avaient été rappelés que pour mémoire, au soutien du bien-fondé de ces préconisations, sans aucun rapport avec l'articulation d'une défense.
S'agissant de la saisie de la convention d'honoraires, le juge a noté qu'elle mentionnait la mission, le calendrier, les stipulations contractuelles et les données de facturation, dont certaines en lien avec une communication téléphonique avec la compagnie de navigation aérienne et la passation d'un appel d'offres. Il a estimé que ces éléments ne concernaient pas l'exercice des droits de la défense en prévision d'un contentieux, mais correspondaient à une prestation de sécurisation juridique des relations contractuelles avec cette compagnie.
Le juge a considéré que les deux pièces saisies n'étaient pas dépourvues de lien avec les infractions objet de l'enquête relative aux modalités d'emploi de l'argent public par une personne publique dans ses relations contractuelles avec une compagnie aérienne.
Enfin, sur le surplus des pièces saisies, le juge a retenu qu'elles relevaient, sans que cela ne soit contesté, de l'activité de conseil de l'avocat, et qu'il était nécessaire de respecter un juste équilibre entre les exigences de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et la nécessité d'assurer, dans une société démocratique, un fonctionnement transparent des institutions publiques et des personnes morales régies par le droit public ainsi que la bonne allocation des deniers publics.
Dans un arrêt du 30 septembre 2025 (pourvoi n° 24-85.225), la Cour de cassation considère que le président de la chambre de l'instruction a justifié sa décision d'analyser la consultation d'avocat et la note d'honoraires saisies comme ne relevant pas de l'exercice des droits de la défense, ne s'agissant pas de documents relatifs à une procédure juridictionnelle ou à une procédure ayant pour objet le prononcé d'une sanction.
La chambre criminelle ajoute que le magistrat a encore justifié sa décision en retenant que l'ensemble des documents saisis, couverts par le secret professionnel du conseil, était nécessaire à la manifestation de la vérité, les infractions poursuivies étant en relation avec le bon usage des deniers publics, en cause dans la procédure.
