Le régime de restitution d'œuvres spoliées ne méconnaît pas en l'espèce les exigences de la CEDH, et contribue au contraire à sa mise en œuvre, en ce qu'il est destiné à restituer les œuvres d’arts à leurs légitimes propriétaires dont les droits ont été niés par des puissances ayant tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine.
Dans les années 40, trois œuvres d’art ont été vendues à Paris par un galeriste américano-allemand à un galeriste autrichien, avant d'être cédées à un particulier de nationalité autrichienne.
Soupçonnées d'avoir été spoliées par les autorités allemandes, ces œuvres ont ensuite été saisies en Autriche à la fin de la Seconde Guerre mondiale, remises aux autorités françaises sur place, rapatriées en France puis inscrites au répertoire dit "MNR" (Musées Nationaux Récupération). Deux ayants droit du ressortissant autrichien chez qui les œuvres ont été saisies ont demandé au ministre français des Affaires étrangères de les leur restituer. Celui-ci a rejeté leur demande, ce qu'a ensuite confirmé le tribunal administratif de Paris.
La cour administrative d'appel de Paris a par la suite rejeté l'appel formé contre le jugement de premier ressort. Les requérants se pourvoient alors en cassation.
Par un arrêt du 30 juillet 2014, le Conseil d'Etat rejette le pourvoi, en précisant tout d'abord que les œuvres répertoriées "MNR" ne deviennent pas la propriété de l’Etat, mais que celui-ci en est uniquement le gardien ayant vocation à restituer leurs biens aux propriétaires spoliés et à leurs ayants droit. En outre, en l'absence de loi, aucune prescription ne peut être opposée à une demande de restitution.
La Haute juridiction administrative juge ensuite que la conservation des œuvres "MNR" s’impose à la fois aux cas de spoliation avérée et de spoliation présumée sur la base d’un faisceau d’indices tirés notamment des date, conditions, motifs, buts de la transaction, et de ses parties.
En l'espèce, le Conseil d'Etat constate que la spoliation n'a pu être établie avec certitude, mais que les faits en cause permettent de présumer que l’achat initial des œuvres a été contraint. Bien que le propriétaire d’origine de ces dessins (...)