
L'entreprise en temps de crise : conseils d'experts - Analyse et bilan des dispositifs de soutien aux entreprises en difficulté
Par Jean-Charles Simon, Associé-gérant du cabinet d’avocats Simon Associés et spécialiste des entreprises en difficulté.
L’Etat a mis en place depuis un an une série de mesures sans précédent afin de soutenir l’économie et l’activité des entreprises pour surmonter la crise financière et économique. La crise a progressivement induit une mutation des services de l’Etat et une prise de conscience de la nécessité de mobiliser l’ensemble des ressources et des connaissances pour faire face aux nouveaux enjeux liés à la crise.
Ces actions de l’Etat ont été significatives en région, au-delà d’affaires médiatisées qui reflètent un désespoir compréhensible, et il faut notamment relever en région l’action fédérative des Préfets, des autres représentants des services de l’Etat (TPG, Directeurs de la BDF, etc..), ou encore du Comité Interministériel de Restructuration Industrielle (CIRI) particulièrement sollicité pour les dossiers concernant les entreprises les plus importantes.
1. Adaptation des textes
Les évolutions de la Loi de Sauvegarde de 2005, préconisées par les professionnels, repoussées pendant plusieurs mois en 2007 et 2008, devaient être mises
en oeuvre au plus vite ; cela a abouti dans un premier temps à l’Ordonnance du 18/12/2008 puis aux ajustements du Décret du 12/2/2009.
Dans le même temps, la Loi LME imposait le raccourcissement des délais de paiement,
mesure dont la mise en oeuvre aurait pu être cependant différée de quelques mois, tant elle est apparue contradictoire avec la situation des entreprises sur le terrain.
Il faut que les textes continuent à évoluer ; ainsi par exemple, les plus importants dossiers, les plus grosses entreprises doivent faire l’objet d’un suivi particulier, à
l’instar de ce qui se fait dans certaines matières ; pourquoi ne pas ainsi regrouper
ces dossiers (au-delà d’un seuil de salariés concernés) vers des juridictions commerciales
centralisées au plan régional.
2. Soutien des acteurs de l’économie
Il est apparu essentiel que les entreprises/banques/assureurs crédits fassent l’objet d’un traitement rapide et immédiat. L’Etat a ainsi soutenu les banques en contrepartie d’une action de leur part auprès des PME/PMI.
Cela a conduit aussi à la création du Médiateur du Crédit concentré au début de son activité sur les relations entreprises/banques ; son champ de compétence
a ensuite été étendu début 2009 aux relations entreprises/assureurs crédit qui posent encore question et sur lesquelles les moyens de levier de l’Etat sont plus
faibles.
Au plan local, l’action des directeurs de la Banque de France (représentants de la Médiation) a été remar-quable et ils ont assimilé l’importance de leurs nouvelles prérogatives.
Face à la crise, les relations entreprises/banques/assureurs crédit ont évolué ; le dialogue, l’écoute, et l’échange ont progressé ; après la crise, il est certain que ces relations ne seront plus jamais les mêmes. En matière d’assurance-crédit notamment, il est possible que l’on s’oriente vers des relations contractuelles
clients/assureurs crédits qui se substitueront au système actuel.
3. Intervention directe de l’Etat
Les banques ne pouvant à elles seules soutenir une économie en défaillance, l’Etat a mis en oeuvre son plan de soutien au financement des PME, renforcé ensuite dans le cadre du plan de relance de Décembre 2008.
L’Etat a aussi progressivement « dopé » l’activité d’OSEO, Etablissement Public, sans lequel un très grand nombre d’entreprises n’auraient pu être soutenues en région.
L’activité d’OSEO a été sans précédent sur les premiers mois de l’année, notamment dans les régions les plus industrielles, tant au titre de la garantie des concours bancaires et des investisseurs en fonds propres que du financement en partenariat.
Des fonds spécifiques ont été créés, qu’il s’agisse du Fonds Stratégique d’Investissement (FSI), de fonds ayant pour objet de soutenir des filières d’activités fragiles (l’automobile ou le bois par exemple), ou encore récemment du Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE), le « FSI des PME », dont les premiers dossiers devraient être concrétisés d’ici la fin de l’année. Ces différents fonds sont en liaison avec les services de l’Etat et la Médiation du Crédit notamment, véritable « gare de tri » des dossiers les plus sensibles.
Enfin, l’Etat a aussi pris un certain nombre d’autres mesures, particulièrement sensibles en région, qu’il s’agisse par exemple du dispositif « Parrain PME », du
Fonds national de revitalisation des territoires (FNRT), du crédit impôt recherche (CIR), de l’activité partielle, du contrat de transition professionnelle (CTP) ou de la convention de reclassement personnalisé (CRP).
4. Mesures fiscales et sociales
Le traitement des créances fiscales et sociales devait aussi s’adapter aux constats de la crise.
Dans un premier temps, le plan de relance a anticipé le remboursement des créances que les entreprises détiennent sur l’Etat.
Progressivement les services de l’Etat ont évolué, notamment au sein des administrations publiques ; des décisions de fait depuis plusieurs mois ont fait l’objet
d’une circulaire importante en date du 27/08/2009 qui réoriente les mesures prises dans le cadre de la commission des chefs des services financiers et des représentants
des organismes de sécurité sociale (CCSF). Sur le terrain, les Préfets ou les Trésoriers Payeurs Généraux ont été très actifs pour traiter des dossiers les plus sensibles.
Il n’est pas contestable que les relations entre les services de l’Etat, Centre des Finances Publiques, URS-SAF, etc... et les entreprises se sont améliorées du fait d’un échange et d’un dialogue renouvelé.
Souvent spectateur par le passé devant la défaillance des entreprises, l’Etat est donc devenu acteur avec la crise.
Cette action doit être poursuivie dans le sens d’une meilleure coordination des acteurs concernés, notamment pour traiter les situations les plus sensibles en termes d’impact sur le bassin d’emploi.
Les énergies et les volontés sont là mais encore faut-il les connaître toutes et il est parfois difficile de les faire agir ensemble et de manière coordonnée.
En ces temps de crises, pourquoi ne pas créer, au moins temporairement, un véritable « ministère de la restructuration des entreprises » coordonnant les orientations, les moyens et les actions.