La proposition de loi visant à « restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents » suscite une vive inquiétude parmi les professionnels du droit et les défenseurs des droits de l’enfant. Alors que le texte, déjà adopté en première lecture au Sénat, doit être examiné en commission mixte paritaire le mardi 6 mai, les instances représentatives des avocats, dont le Conseil national des barreaux (CNB), la Conférence des bâtonniers et le barreau de Paris, dénoncent une remise en cause profonde des principes fondamentaux de la justice des mineurs.
Mobilisation des professionnels de la justice des enfants
À l’appel du groupe de travail « Droit des enfants » du CNB et du collectif « Justice des enfants », une large mobilisation est prévue devant les tribunaux pour enfants le lundi 5 mai à 12h30. Les professionnels entendent ainsi alerter sur les dangers d’une réforme qui, selon eux, privilégie la répression au détriment de l’éducatif, pourtant pilier historique de la justice des mineurs en France.
Des mesures jugées inadaptées et inefficaces
Parmi les mesures les plus contestées figurent la comparution immédiate pour les mineurs récidivistes de plus de 15 ans, la généralisation de peines de prison très courtes dès 13 ans, et l’assignation à résidence sous bracelet électronique pour les adolescents. Pour les avocats et éducateurs, ces dispositifs sont non seulement inefficaces - la prévention nécessitant des moyens humains et matériels renforcés - mais également contraires à l’esprit de la justice des mineurs. Ils rappellent que les mineurs ne représentent que 14 % des crimes et délits constatés, loin derrière les adultes (86 %), et qu’assimiler leur traitement judiciaire à celui des majeurs constitue un contresens juridique et sociologique.
Des atteintes aux droits fondamentaux de l’enfant
La profession dénonce également la rétention d’enfants dans des commissariats en cas de suspicion de non-respect d’une mesure éducative, et l’alourdissement des sanctions contre les parents dits « défaillants ». Selon les organisations, la loi prévoit déjà des peines lourdes en cas de manquement grave à la responsabilité parentale ; ce qu’il manque, c’est un renforcement de l’aide à la parentalité et une intervention préventive dès les premiers signaux d’alerte, une dimension totalement absente du texte actuel
Plus grave encore, la réforme remet en cause le principe d’atténuation de responsabilité et de peine pour les mineurs, ouvrant la voie à un jugement des adolescents selon les mêmes critères que les adultes. Une telle inversion des principes est, selon les avocats, contraire aux engagements internationaux de la France, notamment la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), et aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, comme l’a rappelé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel.
Un appel au respect des engagements constitutionnels et internationaux
Face à ce qu’ils considèrent comme une « surenchère » dans le traitement de la délinquance juvénile, les professionnels de la justice appellent les parlementaires à respecter la spécificité de la justice des mineurs, à garantir des moyens suffisants pour une justice adaptée et à préserver les principes d’atténuation et de primauté de l’éducatif. Ils rappellent que la justice pénale des mineurs, profondément réformée en 2021, permet déjà une réponse rapide et adaptée sans qu’il soit nécessaire de recourir à des dispositifs calqués sur ceux des majeurs.