Les actes accomplis par le débiteur au mépris de la règle du dessaisissement, édictée pour préserver le gage des créanciers au cours de la procédure, sont frappés d'une inopposabilité à la liquidation judiciaire.
Une agricultrice a été mise en redressement puis en liquidation judiciaire le 26 octobre 2017.
Par courrier du 10 novembre 2017, le liquidateur l'a autorisée à ouvrir et faire fonctionner seule un compte dans l'établissement de son choix pour ses besoins privés.
La débitrice a continué à utiliser le compte qu'elle détenait, avant l'ouverture de la procédure collective, dans les livres d'une banque, sur lequel elle a perçu des revenus et opéré des débits jusqu'à la clôture du compte, intervenue à la demande du liquidateur, le 6 juillet 2022.
Soutenant que les paiements débités de ce compte, depuis le prononcé de la liquidation judiciaire jusqu'au 6 juillet 2022, étaient inopposables à la procédure collective, le liquidateur a assigné la banque pour en obtenir le remboursement.
Pour rejeter cette demande, la cour d'appel de Rennes a retenu que le liquidateur avait autorisé la débitrice à utiliser un compte bancaire pour ses besoins privés.
Or, l'analyse des relevés bancaires montrait que le compte avait été alimenté en grande partie par des paiements de la mutuelle sociale agricole (MSA) ou de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), outre des versements du liquidateur, et les dépenses figurant au débit du compte correspondaient à des besoins de la vie courante, de sorte qu'elles ne dépassaient pas les besoins privés autorisés par le liquidateur et étaient donc opposables à la liquidation judiciaire.
Ce raisonnement est invalidé par la Cour de cassation au visa de l'article L. 641-9, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2022-172 du 14 février 2022.
Dans son arrêt du 10 septembre 2025 (pourvoi n° 24-20.833), la chambre commerciale observe en effet que la lettre du liquidateur du 10 novembre 2017 autorisait la débitrice à ouvrir et faire fonctionner seule, pour ses besoins privés, un nouveau compte, nécessairement distinct de celui existant dans les livres de la banque au jour du prononcé de la liquidation judiciaire.
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