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De la liberté d'expression du gardé à vue

L'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause. Tel est le cas d'un homme gardé à vue qui trace avec son pouce sur les murs de sa cellule des inscriptions à caractère militant.

Un individu a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de dégradation d'un bien d'utilité publique pour avoir, alors qu'il était en garde à vue, tracé, avec son pouce, sur les murs de sa cellule, diverses inscriptions, dont un dessin d'un gilet de sécurité avec la mention "GJ" en son centre, la phrase, "la police tue" et plusieurs prénoms, suivis du signe = et des mots "violence étatique".
L'intéressé a indiqué qu'il avait ainsi voulu, par un acte militant, politique et symbolique, à l'instar, historiquement, des détenus politiques, témoigner, pour la défense de la liberté d'expression, de son passage en un lieu, au demeurant déjà dégradé, où sont retenues des personnes qui critiquent des institutions obéissant aux ordres du procureur, de la justice et de l'Etat profond.
Le tribunal correctionnel a condamné l'intéressé à un travail d'intérêt général.

La cour d'appel de Nancy a déclaré le prévenu coupable de dégradation d'un bien d'utilité publique commise au cours d'une garde à vue et l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis.
Les juges du fond ont énoncé que, durant la garde à vue, aucun motif légitime ne peut justifier les dégradations et que le prévenu ne saurait, quelles que soient ses motivations, critiquer les conditions de sa détention par des atteintes aux biens publics.
Ils ont relevé que le militantisme du prévenu, qui devait s'inscrire dans le respect des règles de droit, ne justifiait pas les dégradations commises.
Les juges ont retenu que la poursuite n'était pas disproportionnée ni attentatoire aux droits du prévenu, quand bien même la mesure de retenue n'aurait pas été légitime ou régulière.
Ils ont ajouté que le comportement du prévenu rendait nécessaire, en tenant compte des circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'intéressé, un avertissement sérieux de nature à permettre son amendement et à le dissuader de renouveler des délits.

Dans un arrêt du 4 juin 2025 (pourvoi n° 24-80.700), la Cour de cassation reproche à la cour d'appel de s'être déterminée ainsi, sans rechercher si l'incrimination pénale du comportement poursuivi ne constituait pas, en l'espèce, une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression.
Elle casse l'arrêt d'appel au visa des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme et 593 du code de procédure pénale.

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© LegalNews 2025
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