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Décompilation d’un logiciel : état des lieux - 2- Rétroingénierie et décompilation: deux régimes juridiques

Rétroingénierie et décompilation: deux régimes juridiques

La rétroingénierie, au sens large, est un ensemble de techniques et de pratiques destiné à déterminer le fonctionnement ou la méthode de fabrication d’un objet.

En matière de logiciels, la rétroingénierie regroupe un ensemble de techniques qui varient de la simple observation du logiciel lorsqu’il s’exécute, à des opérations de transformation de la forme du code du logiciel.

Ces différentes techniques de rétroingénierie sont encadrées par deux régimes distincts.

Pour rappel, les droits d’exploitation conférés en principe à l’auteur d’un logiciel sont divisés notamment entre, d’une part, le droit de reproduction du logiciel, et d’autre part, le droit d’adaptation, de traduction ou de modification du logiciel ainsi que la reproduction du logiciel en résultant (article L. 122-6, 1o et 2o, CPI).

Dans une certaine mesure, toutes les techniques de rétroingénierie mettent en œuvre une reproduction à tout le moins provisoire d’une forme du code du logiciel.

En revanche, toutes les techniques de rétroingénierie n’impliquent pas forcément qu’il y ait une adaptation, ni une transformation du code du logiciel.

Or, il s’agit là d’une différence cruciale. En effet, la directive 91/250, transposée en droit français par la loi no 94-361 du 10 mai 1994, consacre une distinction entre deux régimes relatifs à la rétroingénierie.

D’une part, la loi définit une limitation aux droits de l’auteur qui permet à l’utilisateur d’observer, d’étudier ou de tester le logiciel:
Article L. 122-6-1, III. «~La personne ayant le droit d’utiliser le logiciel peut sans l’autorisation de l’auteur observer, étudier ou tester le fonctionnement ou la sécurité de ce logiciel afin de déterminer les idées et principes qui sont à la base de n’importe quel élément du logiciel lorsqu’elle effectue toute opération de chargement, d’affichage, d’exécution, de transmission ou de stockage du logiciel qu’elle est en droit d’effectuer.»

Étant donné que le chargement, l’affichage, l’exécution, la transmission ou le stockage d’un logiciel nécessitent une reproduction, ces actes ne sont possibles que si l’ayant-droit a autorisé la reproduction (L. 122-6, 1o, CPI).

Ce régime recouvre donc toutes les techniques de rétroingénierie, à l’exception de celles qui mettent aussi en œuvre une adaptation ou une transformation du logiciel (régies par le second régime).

Il faut, pour pouvoir se prévaloir de cette première disposition relative à la rétroingénierie, respecter plusieurs conditions:

1. avoir le droit d’utiliser le logiciel, ce qui implique une licence autorisant la reproduction du logiciel;
2. se limiter aux opérations qu’on est en droit d’effectuer, ce qui exclut toute opération impliquant l’adaptation, la traduction ou la modification du logiciel;
3. faire exercice de ce droit afin de déterminer les idées et principes qui sont à la base de n’importe quel élément du logiciel.

Parmi les techniques sujettes à ce régime, est concernée l’utilisation d’un débogueur: un outil qui fait fonctionner le logiciel dans des phases de tests et qui permet notamment au programmeur de décortiquer des étapes de son fonctionnement afin d’en déceler des anomalies ou d’en relever les erreurs.

Les techniques concernées comprennent aussi l’analyse des réseaux ou des protocoles ainsi que le développement d’outils destinés spécifiquement à tester l’exécution de programmes à des fins de rétroingénierie.

D’autre part, le second régime définit une exception, intitulée «Décompilation» dans la directive 91/250 et qui établit un régime légal avec des conditions relatives à l’acte de décompilation en soi, ainsi que des conditions relatives à l’utilisation des informations obtenues par décompilation:
Article L. 122-6-1, IV.
«~La reproduction du code du logiciel ou la traduction de la forme de ce code n’est pas soumise à l’autorisation de l’auteur lorsque la reproduction ou la traduction au sens du 1o ou du 2o de l’article L. 122-6 est indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité d’un logiciel créé de façon indépendante avec d’autres logiciels, sous réserve que soient réunies les conditions suivantes :
1o Ces actes sont accomplis par la personne ayant le droit d’utiliser un exemplaire du logiciel ou pour son compte par une personne habilitée à cette fin ;
2o Les informations nécessaires à l’interopérabilité n’ont pas déjà été rendues facilement et rapidement accessibles aux personnes mentionnées au 1o ci-dessus ;
3o Et ces actes sont limités aux parties du logiciel d’origine nécessaires à cette interopérabilité.
Les informations ainsi obtenues ne peuvent être :
1o Ni utilisées à des fins autres que la réalisation de l’interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante ;
2o Ni communiquées à des tiers sauf si cela est nécessaire à l’interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante ;
3o Ni utilisées pour la mise au point, la production ou la commercialisation d’un logiciel dont l’expression est substantiellement similaire ou pour tout autre acte portant atteinte au droit d’auteur.»

Ce régime recouvre un champ plus large des techniques de rétroingénierie, lesquelles impliquent une reproduction du code ou une traduction de la forme de ce code.

Parmi les techniques de rétroingénierie concernées par ce régime, figure par exemple l’utilisation d’un décompilateur ou d’un désassembleur — des outils informatiques destinés à aider la transformation d’un code objet vers un code intelligible pour le programmeur qui cherche à modifier le code.

C’est ce second régime que l’arrêt de la Cour d’appel de Caen nous permet d’illustrer.

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