Alexandre Lamy, avocat associé cofondateur Arsis Avocats, rend hommage à Robert Badinter et à l’héritage du droit comme rempart contre l’obscurantisme et les passions collectives.
Je n’ai pas enfilé la robe pour me glisser dans ses manches et ses effets.
Je n’ai pas prêté ma voix et mes mots, portés par l’écho de son verbe haut.
Pourtant, le poids de la robe que j’enfile est lourd, et plus encore aujourd’hui.
Parce qu’il a tissé l’étoffe dont elle est faite, celle de la supériorité du verbe, de la connaissance et de la tolérance.
Parce que le drapé qu’il lui a donné est celui du droit, cet art vital de la raison, de la rigueur et de la précision, porté par l’exigence de vérité, pour dissiper l’équivoque et l’obscurité et lutter contre l’agitation des passions collectives.
Parce qu’il a fait de sa vie le serment qui est le mien : conscience, dignité, modération, honneur, délicatesse et humanité.
Et l’épitoge de ma robe est « veuve » parce qu’elle marque le deuil de Malesherbes, avocat de Louis XVI, guillotiné pour avoir défendu son client.
« Nous devons notre liberté à des hommes qui ne plient pas, ne s'agenouillent pas, ne se soumettent pas. »
La voix de Robert Badinter doit continuer de raisonner, plus encore aujourd’hui.
Les errements de langage et de la raison mettent à mal notre modèle de société libéral et notre démocratie.
On dit du droit qu’il est « l’art de la distinction », parce qu’il s’appuie sur le respect des faits et l’exigence de vérité. Il participe du combat contre l’obscurantisme, représenté, dans le courant de pensée des Lumières, par la superstition et l’ignorance.
La prise en compte de la réalité des faits sur la base d’idées suffisamment lucides participe ainsi de la défense de nos démocraties contre les populismes.
Renoncer à la recherche de vérité au profit de l’agitation des passions collectives et de l’encouragement de la violence, en faisant le choix de connaissances incomplètes ou pire, du mensonge, c’est ébranler notre liberté politique.
Ce renoncement intellectuel du populisme, qui nous a été donné de constater, abandonnant le respect des faits et l’exigence de vérité pour attiser la haine, vient ainsi menacer notre démocratie.
Notre démocratie est instable et fragile. Elle peut mourir de glissements lents.
Continuons son combat. Honorons sa mémoire
Alexandre Lamy, avocat associé cofondateur Arsis Avocats
