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La nullité pour fausse déclaration est-elle opposable au souscripteur victime ?

La nullité du contrat d'assurance automobile pour fausse déclaration intentionnelle du souscripteur relative à l'identité du conducteur habituel, peut-elle être opposée à ce même souscripteur lorsqu'il est également passager et victime de l'accident causé par le véhicule assuré ?

Un homme a été blessé à la suite d'un accident de la circulation. Il était passager du véhicule impliqué, dont il était également le propriétaire et le souscripteur du contrat d'assurance. Le conducteur était en état d'ivresse.
Le tribunal correctionnel a déclaré le conducteur coupable de blessures involontaires, renvoyé l'examen des intérêts civils à une audience ultérieure et déclaré le jugement opposable aux assureurs respectifs des deux véhicules impliqués, ainsi qu'au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO).
Statuant ultérieurement sur intérêts civils, le tribunal a déclaré recevable l'exception de nullité du contrat présentée par l'assureur du véhicule de la victime pour réticence ou fausse déclaration du souscripteur, mis hors de cause l'autre assureur, prononcé sur les intérêts civils et déclaré le jugement opposable au FGAO.

La cour d'appel de Lyon a infirmé le jugement ayant mis hors de cause l'assureur du véhicule de la victime.
Les juges du fond ont énoncé que si la victime avait volontairement effectué une fausse déclaration relative à l'identité habituelle du conducteur, ce qui avait modifié l'opinion du risque d'accident pour l'assureur, il résultait de la primauté du droit de l'Union européenne sur le droit national que la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit.
Les juges en ont déduit que le fait que la victime soit à la fois preneur d'assurance, propriétaire du véhicule et passager de ce dernier lors de l'accident, ne permet pas de l'exclure de la qualité de tiers victime.
Ils en ont conclu, d'une part, que le contrat d'assurance était nul pour fausse déclaration intentionnelle de l'assuré, d'autre part, que cette nullité était inopposable à la victime.

La Cour de cassation approuve le raisonnement des juges du fond dans un arrêt du 23 septembre 2025 (pourvoi n° 20-86.015).

Elle rappelle qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 19 septembre 2024 (affaire C-236/23) que, sauf abus de droit, la fausse déclaration faite par l'assuré quant à l'identité du conducteur habituel du véhicule ne permet pas à la compagnie d'assurance de se prévaloir d'une clause contractuelle prévoyant la nullité du contrat pour opposer cette nullité au tiers victime, afin de s'exonérer de son obligation d'indemniser ce dernier du préjudice subi du fait d'un accident causé par le véhicule assuré.
Le juge européen a précisé qu'une telle opposabilité conduirait à priver de tout effet utile les dispositions de la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009, en limitant de manière disproportionnée le droit de la victime à obtenir une indemnisation par l'assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs.
Il a ajouté que la preuve d'une pratique abusive nécessitait, d'une part, un ensemble de circonstances objectives dont il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l'Union, l'objectif poursuivi par cette réglementation n'a pas été atteint, d'autre part, un élément subjectif consistant en la volonté d'obtenir un avantage résultant de la réglementation de l'Union en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention.

En l'espèce, l'exception tenant à l'abus de droit ne saurait trouver application, l'objectif de protection des victimes d'accidents poursuivi par la réglementation de l'Union étant atteint dès lors que la victime, passager du véhicule au moment de l'accident, sollicite une indemnisation en sa qualité de tiers lésé.

© LegalNews 2025

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