Bertrand Savouré, président du Conseil supérieur du notariat, détaille la portée de la deuxième convention d’objectifs signée avec l’État. Il explique notamment pourquoi la souveraineté et la cybersécurité sont aujourd’hui essentielles pour la profession.
La première convention signée en 2020 a atteint un taux de réalisation de 80%. Quels ont été, selon vous, les principaux succès à retenir et les leçons à tirer de cette première expérience ?
Les leçons principales et la raison pour laquelle nous avons renouvelé cet accord, tiennent au fait que ce type de convention est très utile. Elle fixe des objectifs communs qui nous aident à mieux les atteindre en planifiant nos actions ensemble. Cette synchronisation est un atout majeur. Avec la première convention, nous avions bien calibré les objectifs, d’où ce taux de réalisation supérieur à 80%, ce qui est très satisfaisant.
Parmi les succès, on peut citer la dématérialisation. Par exemple, le nombre d’actes publiés sous forme électronique a largement dépassé les 97 %.
Quelle est l’importance la deuxième Convention d’Objectifs signée avec l’Etat ?
La convention a été signée avec six ministères : c’est un signe de transversalité et de confiance de la part de l’État envers le notariat. C’est très satisfaisant et cela symbolise notre rôle institutionnel. La signature solennelle du 2 juillet, en présence d’un représentant du gouvernement, renforce ce climat de confiance réciproque et nous permet d’agir avec exemplarité, dans le cadre du soutien de l’État et de notre autorité de tutelle.
Cette deuxième convention conserve les axes fondamentaux mais introduit une nouvelle dimension autour de la souveraineté, de la sécurité et de la stabilité. Pouvez-vous expliquer pourquoi cette nouvelle rubrique est devenue centrale ?
Oui, elle conserve les axes fondamentaux de la première convention — authenticité, performance, transparence — mais elle introduit une nouvelle dimension autour de la souveraineté, de la sécurité et de la stabilité. C’est devenu central car cela correspond au cœur de mon mandat. Quand la première convention a été signée, il y a plus de quatre ans, le sujet de la souveraineté était moins prégnant. Mais avec l’émergence de l’intelligence artificielle et la digitalisation croissante, il devient crucial pour le notariat de maîtriser son environnement numérique.
La souveraineté, pour nous, c’est la maîtrise, une forme d’indépendance. Mais il faut aussi savoir calibrer : déterminer ce qu’il est pertinent de confier à des sociétés spécialisées, et ce que la profession doit garder en gestion propre, parce que c’est essentiel à son exercice. Trouver ce juste curseur n’est pas toujours évident, mais c’est fondamental.
Un enjeu majeur concerne la production, la collecte, le stockage et la protection des données de nos clients. C’est au cœur de notre métier, d’où l’inscription d’objectifs spécifiques sur la souveraineté dans cette convention.
En lien avec cette notion de souveraineté, la cybersécurité apparaît essentielle. Pourriez-vous expliquer en quoi la politique de cybersécurité du notariat, officialisée dans cette convention, contribue concrètement à la protection des données ?
La cybersécurité est un volet crucial de cette souveraineté. Chaque étude notariale doit assurer la sécurité de son office afin de protéger les données de nos clients. Notre stratégie numérique comprend un plan d’action structuré autour de quatre axes, dont la cybersécurité. La convention prévoit que les notaires doivent se former et s’informer sur ce sujet, et renforcer la sécurité de leurs systèmes : cela passe par des outils permettant de détecter les tentatives d’intrusion, et par des consignes émises par le Conseil supérieur.
C’est un effort à la fois individuel — chaque office améliore sa sécurité — et collectif, car c’est à nous d’impulser l’élan pour l’ensemble de la profession.
La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCBFT) est également renforcée dans la nouvelle convention. Comment le notariat s’organise-t-il concrètement pour assumer ce rôle croissant ?
C’est un sujet déjà présent mais qui prend davantage d’ampleur. En 2023, nous avons lancé un plan d’action national (2023-2025) autour de trois piliers :
D’abord, la formation obligatoire pour tous les notaires et collaborateurs sur la vigilance et la déclaration de soupçons.
Ensuite, chaque office doit établir une procédure écrite de vigilance avant fin 2025.
Enfin, chaque office doit transmettre à sa structure régionale une cartographie des risques de son territoire.
Le notariat étant un acteur central sur l’immobilier, secteur à risques en matière de blanchiment, il est fondamental d’être exemplaire.
La convention prévoit aussi des engagements sociétaux et territoriaux : transmission accélérée des données immobilières à l’État, reconstruction durable à Mayotte, promotion de la rénovation énergétique, accompagnement du handicap. Comment le notariat souhaite-t-il concrétiser ces contributions multiples ?
L’esprit de la convention, c’est de fixer des objectifs et d’en travailler opérationnellement le déploiement. Il s’agit autant d’engagements numériques — développer des outils pour alimenter les bases de données — que d’impulsion auprès des offices, pour agir au niveau individuel puis mesurer collectivement l’avancement avec les ministères.
Pour prendre un exemple concret, comment le notariat peut-il contribuer à la reconstruction durable à Mayotte ?
C’est un très bon exemple. J’y suis allé mi-juin avec mon premier vice-président Pierre-Jean Meyssan pour rencontrer les acteurs locaux du foncier : département, groupement d’intérêts communs, notaires locaux. Nous avons réfléchi à une offre de service supplémentaire pour accélérer le titrement (la fabrication des titres de propriété), et proposé notre aide à la structure spéciale en charge de la reconstruction. Nous comptons mobiliser notaires de métropole, géomètres et généalogistes pour unir nos forces au service du territoire.
Sur la transmission plus rapide des données immobilières à l’État, domaine historique du notariat, comment comptez-vous procéder ?
Nous développons un outil numérique basé sur l’intelligence artificielle pour transmettre les informations en temps quasi réel, et non plus avec des délais de plusieurs mois, afin de mieux comprendre le marché et ses évolutions. Ce projet est en cours et nous pourrons probablement communiquer sur son lancement début 2026.
Enfin, concernant la promotion de la rénovation énergétique, comment le notariat s’engage-t-il ?
Nous préparons un kit d’information pour tous les notaires, afin qu’ils puissent, lors des transactions, informer précisément leurs clients sur les obligations de rénovation énergétique et les aides disponibles (MaPrimeRénov’, dispositifs locaux, etc.). Au-delà d’une information générale, il s’agit d’accompagner chaque client de manière personnalisée.
Propos recueillis par Arnaud Dumourier