Dans un arrêt du 18 mars 2015, la Cour d’appel de Caen a retenu que l’acte de décompilation d’une partie de Skype n’était pas constitutif du délit de contrefaçon, relaxant ainsi l’associé d’une société de sécurité informatique française qui voulait développer un système d’échanges d’informations sécurisé et fiable, interopérable avec Skype.
Toutefois, dans ce même arrêt, la Cour a eu l’occasion de rappeler les limites des exceptions au droit d’auteur d’un logiciel en matière de décompilation, les résultats ne pouvant être diffusés ou utilisés à des fins étrangères à l’interopérabilité. Ainsi la révélation des failles de sécurité d’un logiciel, par la diffusion de son code source, non seulement constitue une contrefaçon mais également porte atteinte à la réputation de l’éditeur du logiciel.
Cette décision s’inscrit dans un corpus assez maigre de décisions judiciaires sur la décompilation et présente l’originalité, ici, à la fois de valider et de condamner ce qui a été réalisé dans le cadre de cette décompilation. C’est donc une décision intéressante dans sa manière de bien fixer les limites à l’exception de décompilation, dont l’existence est le fruit d’intenses débats et controverses qui ont entouré l’adoption par l’Union européenne de la directive sur la protection juridique des logiciels de mai 1991.
S’il y a, parmi les exceptions aux droits d’auteur, une disposition des plus controversées, c’est bien celle relative à la «décompilation» d’un logiciel. À l’époque, d’intenses débats avaient entouré les dispositions relatives à la rétroingénierie contenues dans la directive européenne concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, finalement adoptée le 14 mai 1991 (directive 91/250). Force est de constater que, vingt-cinq ans après, la controverse n’a pas tenu ses promesses. On dénombre en effet, en France, une poignée d’arrêts d’intérêt, dont un seul a été rendu par la Cour de cassation , appliquant ces dispositions transposées en droit national depuis 1994.
L’arrêt de la Cour d’appel de Caen du 18 mars 2015 offre certainement l’opportunité de se pencher à nouveau sur l’utilité de l’exception de décompilation, dont on a trop souvent dit qu’elle était inapplicable, qu’elle était morte-née, anéantie par la recherche d’un compromis illusoire.
Pourtant, la poursuite de l’interopérabilité au bénéfice de l’utilisateur d’un logiciel, qui est au centre de l’exception de décompilation, est loin d’avoir perdu son intérêt — comme on a pu le voir dans le domaine du droit de la concurrence concernant l’interopérabilité entre les logiciels libres «Samba» et les logiciels de serveurs de Microsoft .
Avant de revenir sur les faits de l’espèce et la décision de la Cour d’appel de Caen du 18 mars 2015, une petite introduction s’impose pour clarifier ce dont il s’agit en matière de rétroingénierie et quels régimes juridiques s’appliquent.