Guy Gras, Directeur juridique du Groupe Yves Rocher

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Guy Gras - Directeur juridique - Groupe Yves RocherLe Monde du Droit a rencontré Guy Gras, Directeur juridique du Groupe Yves Rocher et Président de la Fédération française de la franchise.

 Quel est votre parcours ?

Un troisième cycle de droit des affaires de Dauphine  et un de droit social de Sorbonne (Paris I) en poche, entrecoupé d'un rapide passage à Saint Cyr Coëtquidan, j'ai intégré comme jeune juriste d'affaires, la filiale française du Groupe SOLVAY et Cie, une multinationale belge spécialisée dans la Chimie.

J'ai vite compris que je n'étais pas fait pour ce monde dirigé par des ingénieurs et où mon rôle de juriste consistait pour l'essentiel à rédiger de gros contrats destinés à intégrer des coffres forts et où les termes mêmes  de "contentieux juridique" n'étaient pas jugés très convenables.
Par chance, ce grand Groupe à l'époque possédait une petite filiale de fabrication et de distribution de  produits grand public, la société Venilia, spécialisée dans le papier peint et la toile cirée. C'est au sein de cette société que j'ai découvert  le monde du commerce que je ne ai plus quitté.

Après quelques années passées à découvrir les joies du contrat de l'agent commercial ou du VRP multicartes, j'ai intégré le Groupe Yves Rocher en 1992 qui détient entre autre la société Petit Bateau.

A compter de 1992, j'ai exercé au sein de ce Groupe différents postes toujours au sein du département  juridique, pour en prendre en 2002 la direction.  Mes fonctions m'amenant à travailler quotidiennement  sur des questions liées au développement et à la vie des réseaux,  j'ai été élu en 2008 puis réélu en 2010, Président de la Fédération Française de la Franchise et nommé en octobre dernier à la Commission de la Médiation de la Consommation.
Parallèlement, j'ai eu la chance de pouvoir assouvir mon goût pour l'enseignement  en intervenant au DJCE de Montpellier depuis 1998 et en enseignant depuis 2007 le droit de la Propriété Intellectuelle à Dauphine.

Comment s'organise votre direction juridique ?

Mon organisation est tout naturellement l'expression de la culture juridique de mon entreprise, Ce que l'entreprise attend de ses juristes détermine l'organisation de sa direction juridique.

Je me suis donc organisé autour de 3 principes simples  :

1 –Le juridique est un domaine d'expertise

La première fonction du juriste dans l'entreprise est de faire du droit.  C'est banal mais cela fait du bien de le rappeler. Le dirigeant doit pouvoir s'appuyer sur la connaissance exacte du paramètre juridique clairement identifié et non pollué par d'autres considérations.
Il s'agit bien d' "expertise" portant sur des domaines stratégiques pour l'entreprise  avec comme objectif de conserver ses experts pour  capitaliser ce savoir-faire en interne. Cela  se traduit par exemple, par une organisation transverse en "experts métier" permettant de capitaliser par expériences, une  équipe concentrée et limitée n'incluant pas de généraliste du droit et la sous-traitance auprès de conseils externes quand la question n'est pas jugée stratégique.

2 - Le juridique est garant du respect des équilibres et non des arbitrages internes

Le juriste est fréquemment au carrefour d'intérêts opposés  au sein de son entreprise. Par exemple, il doit répondre à la demande de clients internes qui ont pour objectif de développer rapidement leur chiffre d'affaires  alors que dans le même temps,  il doit protéger et sécuriser  le développement de ces mêmes activités . Sa hiérarchie va également attendre de lui qu'il normalise certains comportements dans  l'entreprise et y  édicte un corpus de règles internes, alors que dans le même temps pour satisfaire ses clients, il doit savoir rester  opérationnel et proche de leurs préoccupations concrètes.

La multiplication récente de nouveaux outils mis à la disposition des juristes et cherchant à traduire et à apprécier cet équilibre est révélatrice (risk management, compliance, …).
Pour gérer ces équilibres, le juriste ne bénéficie pas dans mes équipes du droit régalien de l'arbitre mais d'un simple droit de veto c'est à dire qu'il peut suspendre la réalisation d'une l'opération dans l'attente de l'arbitrage de sa hiérarchie.
Par exemple dans ma direction, le juriste est indépendant hiérarchiquement de ses clients internes et n'est pas sanctionné  en cas d'exercice de son droit de veto.

3 – Le juridique est à l'écoute de l'environnement de l'entreprise.
Le juriste doit être utilisé pour sa capacité à développer et à entretenir un réseau permettant à l'entreprise d'avoir des informations utiles pour son entreprise. Le  juriste est formé à utiliser et à développer des réseaux de conseils, d'agents d'affaires et autres intermédiaires. Ces différents réseaux constituent autant de capteurs de l'évolution du marché et de ses concurrents.
Cela  suppose une solide organisation de la direction juridique – chacun devant savoir ce qu'il doit faire -  et un bon niveau de confiance entre ses membres,  la porte sur l'extérieur étant constamment ouverte .

Quelles sont les problématiques auxquelles vous devez répondre ?

Mes problématiques sont celles d'un Groupe de 2,2 milliards d'euros qui fabrique des produits de grande consommation et les distribue selon différents systèmes dans plus de 80 pays, en s'adressant soit directement aux consommateurs – vente par correspondance ou internet, succursales de vente – soit en utilisant des distributeurs  indépendants - franchisés, distributeurs exclusifs/sélectifs, vendeur à domicile.

Avec une attention toute particulière apportée aux consommateurs qui sont très vigilants sur la qualité et la sécurité des produits qu'ils achètent quand il s'agit de produits cosmétiques ou encore de vêtements enfants !

Qu'est-ce qui vous passionne dans votre métier ?

Ce qui est passionnant dans mon travail c'est d'être au cœur de monde du commerce, d'être au carrefour entre le consommateur qui achète un produit portant une marque notoire et le distributeur indépendant qui investit dans un projet  professionnel et recherche une rentabilité légitime aux regard des fonds investis … et cela dans des pays  et avec des cultures différents !
Et la problématique majeure n'est pas nécessairement juridique mais culturelle ou inhérente au tissu économique ou social du pays. Inutile de chercher à pratiquer la vente par correspondance dans un pays où les services postaux fonctionnent mal ou à installer des magasins de ville quand il n'existe que des department stores ! S'adapter aux contraintes locales, trouver le meilleur circuit de distribution … voilà autant de challenges passionnants à relever !

 

Propos recueillis par Arnaud DUMOURIER


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