Virginie Delannoy, KGA

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Virginie Delannoy - Avocate - KGALe Monde du Droit a interrogé Virginie Delannoy, Avocate chez KGA, à propos de la décison de la Cour d’appel de Paris qui a rejeté le 5 février 2011 la demande de sursis à exécution qu’avait formée Numéricable à l’encontre d’une décision de l’ARCEP rendue le 4 novembre 2010 dans le cadre du litige qui l’oppose à France Télécom (FT).

Pouvez-vous nous rappeler le contexte de cette décision ?

Recours formé par la société Numéricable devant la cour d’appel de Paris contre la décision de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).  Cette décision a été rendue sur saisine de France Telecom dans le différend l’opposant à Numéricable.

Quel était l'enjeu ?

Par plusieurs contrats dits « contrats de cession », Numéricable a racheté à FT le réseau câblé déployé au titre du plan-câble des années 80.  Ce réseau se déploie dans les infrastructures de génie civil qui appartiennent toujours à FT. Cependant, Numéricable dispose d’un droit de passage de longue durée dans ces infrastructures de génie civil afin d’assurer la maintenance de son réseau câblé et surtout de le moderniser.  Numéricable le modernise en remplaçant le câble obsolète par de la fibre optique.

L’enjeu actuel est le déploiement de boucles locales en fibre optique dont les caractéristiques techniques permettent d’atteindre des débits de transmission très élevés et constants.

Pour déployer leur boucle locale en fibre optique, les opérateurs (Free, SFR, Bouygues) doivent accéder aux infrastructures de génie civil de FT car il serait économiquement déraisonnable de dupliquer cette infrastructure.  Pour cette raison, l’ARCEP a imposé à FT d’ouvrir son infrastructure de génie civil à tout opérateur qui en ferait la demande, dans des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires.  Pour coordonner l’intervention de ces différents opérateurs au sein de son génie civil, FT leur demande d’appliquer des règles d’ingénierie et des modalités d’intervention identiques figurant dans son offre de génie civil (dite offre GC Fttx).

Seule Numéricable n’appliquait pas ces modalités d’intervention mais d’autres modalités fixées par les contrats de cession.  Souhaitant harmoniser les conditions d’intervention de tous les opérateurs, y compris Numéricable, FT a demandé à cette dernière de modifier les contrats de cession pour y transposer ces modalités.  Le silence de Numéricable a conduit FT à saisir l’ARCEP.  L’ARCEP a en partie fait droit à cette demande en imposant à Numéricable d’accepter, dans un délai de deux mois, une modification des contrats de cession pour mettre certaines de leurs clauses en conformité avec certaines des modalités opérationnelles d’intervention figurant dans l’offre GC Fttx.

Numéricable a contesté cette décision devant la cour d’appel de Paris et a assorti son recours d’une demande de sursis à exécution de la décision au motif que son application immédiate entraînerait des conséquences manifestement excessives pour Numéricable.

Quelles conséquences peut-on en tirer ?

Les décisions de l’ARCEP sont d’application immédiate. Ceci s’explique par la mission régulatrice de l’ARCEP qui doit intervenir dans des situations d’urgence pour rétablir l’équilibre concurrentiel du marché.  L’effectivité de son pouvoir d’intervention nécessite une mise en œuvre immédiate de ses décisions.  C’est pourquoi le recours devant la cour d’appel de Paris n’est pas suspensif (à la différence d’une procédure d’appel de droit commun).

Nous assistons l’ARCEP depuis 1997 dans ces procédures devant la Cour d’appel : sur une trentaine de recours, seuls 3 ont été assortis d’une demande de sursis à exécution dont une, manifestement irrecevable.

Accorder le sursis, alors que Numéricable ne démontrait pas effectivement en quoi l’application de la décision aurait entrainé des conséquences manifestement excessives, aurait donné un signal négatif quant aux pouvoirs de l’ARCEP.

En outre, compte tenu des impératifs de concurrence, il est indispensable que tous les opérateurs appliquent les mêmes modalités d’intervention dans le génie civil de FT.  La cour d’appel ne s’est pas prononcée sur ce point qui relève du débat au fond.

La cour d’appel a rejeté la demande de sursis. Numéricable est donc contrainte de négocier de bonne foi avec FT pour modifier les contrats de cession et mettre en conformité les clauses relatives aux modalités opérationnelles d’intervention dans le génie civil de FT.


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