Jean-Marc Sànchez, Avocat, AGM avocats-abogados, nous propose une analyse du statut de l'agent commercial en droit français et en droit espagnol.
Le contrat d'agent commercial est un contrat par lequel un mandataire indépendant, l'agent commercial contre une rétribution, assume de manière permanente la charge de préparer ou conclure des contrats avec des tiers pour le compte et au nom d'autres entreprises, le principal. Son caractère de mandataire indépendant est ce qui le différencie des autres acteurs commerciaux et ce qui explique pourquoi il est privilégié par les entreprises. Cet intermédiaire est très important dans les entreprises aussi bien au niveau national qu'au niveau communautaire, comme nous le constaterons à travers cette brève analyse du statut de l'agent commercial en Espagne et en France.
Le statut de l'agent commercial est réglementé en Espagne par la Loi 12/1992, du 27 mai, du Contrat d'agent commercial ("Ley del Contrato de Agencia" en espagnol), et par un Décret Royal 118/2005 du 4 février, sur les Statuts Généraux des Collèges D'Agents Commerciaux d'Espagne et de son Conseil General (" Real Decreto de los Estatutos Generales de los Colegios de Agentes Comerciales de España y de su Consejo General " en espagnol). Les agents commerciaux sont indépendants et ils ont le devoir de s'inscrire auprès du Collège Officiel d'agents commerciaux dans l'hypothèse où il s'agit de personnes physiques.
En France, l'agent commercial ("agente commercial" en espagnol) voit son statut défini dans la Loi du 25 juin 1991, codifiée dans le Code du Commerce aux articles L.134-1 à L.134-10. Il est tenu de s'immatriculer au registre spécial des agents commerciaux qui est de la compétence du tribunal de commerce où ils sont domiciliés.
Au niveau communautaire, s'est manifestée la volonté d'harmonisation de cette figure clé du commerce en tentant de définir l'agent commercial, sa fonction, le contrat d'agence au regard de la directive communautaire 86/653/CEE du 18 décembre 1986.
Le Code de Commerce espagnol ne régit pas le contrat d'agence mais la transposition de la directive communautaire a donné lieu à la Loi 12/1992, du 27 mai du Contrat d'Agence et va plus loin que la transposition de la directive : elle crée ex novo un régime juridique qui avant n'existait pas. En France, la directive communautaire de l'agent commercial s'est transposée en Loi 91/593, du 25 juin 1991 relative aux relations entre les agents et leurs mandants.
L'agent commercial a pour fonction principale de négocier, promouvoir, conclure des contrats pour le compte du mandant pour l'achat et la vente de marchandises, ce à quoi la France ajoute la location ou la prestation de services. Ce contrat d'agent commercial doit s'inscrire dans la durée: pour assurer le respect des principes de "permanence et de stabilité".
L'agent commercial a des obligations dues à son contrat d'agence: il doit veiller à la promotion, conclusion d'accords dans l'intérêt du principal, il a de plus, une obligation de secret, un engagement personnel avec l'entreprise, de restitution et enfin une obligation de coopération à l'exécution des affaires conclues. En revanche, le chef d'entreprise a deux fonctions importantes : payer la rétribution de l'agent, et aider l'agent en lui donnant les éléments nécessaires à l'exécution de sa gestion.
Le contrat d'agence se caractérise par sa durée, la promotion ou la conclusion d'autres contrats. Il s'agit d'un contrat conclu entre entreprises commerciales, il est de confiance.
La durée du contrat peut être déterminée ou indéterminée. L'agent commercial a l'obligation de loyauté, le devoir réciproque d'information et d'exécuter son mandat en qualité de bon professionnel. Cette question est régie par l'article 4 de la Loi française, et dans la Loi espagnole aux articles 9 et 10 dans la partie "obligations des parties" et dans la section "rémunération de l'agent".
Un sujet très problématique dans les contrats d'agents est lié à la clause de non concurrence après la fin du contrat. Elle est limitée à deux ans. La Loi française précise qu'elle s'applique au secteur géographique, au groupe de personnes en contact avec l'agent et au type de biens et services objets du contrat. La Loi espagnole, de son côté, ajoute que dans le cas où le contrat serait conclu pour une durée inférieure à deux ans, le bénéfice de la clause ne pourrait pas excéder un an. Dans le cas où le contrat est conclu pour une durée supérieure, le pacte de non concurrence ne pourra atteindre que deux ans comme maximum une fois le contrat arrivé à son terme.
Le contrat à durée déterminée prend fin une fois arrivée la date fixée lorsqu'il avait été conclu. Si son exécution se prolonge il devient un contrat à durée indéterminée. Le contrat à durée indéterminée peut prendre fin, à n'importe quel moment, sur l'initiative de l'une des parties, sous la réserve d'un préavis d'un mois par année d'exécution du contrat avec un maximum de six mois, la Loi française a réduit ce maximum à trois mois.
La directive européenne a laissé la liberté aux Etats membres de définir les cas dans lesquels le contrat à durée déterminée ou indéterminée pouvait être unilatéralement résilié. En Espagne, il suffit qu'une partie n'ait pas respecté ses obligations légales ou contractuelles, sans qu'il soit exigé une faute grave ou l'hypothèse de difficultés de l'entreprise. En France, il est exigé une faute grave ou un cas de force majeure.
La rupture du contrat ouvre le droit à une indemnisation pour l'agent commercial. Ce droit est absolu en France, il n'a que trois exceptions : la faute grave de l'agent, l'initiative de l'agent sauf circonstances imputables au mandant ou à cause de l'âge, de l'invalidité ou d'une maladie de l'agent, et la cession du contrat par l'agent à un tiers avec l'accord du mandant. Pour pouvoir bénéficier de cette indemnisation, l'agent commercial doit prouver qu'il a le pouvoir de négocier les prix et les conditions de vente avec les clients c'est-à-dire, qu'il doit prouver qu'il intervient comme un bon professionnel et qu'il a développé sa propre clientèle. Au contraire, en Espagne, l'agent doit avoir augmenté la clientèle avec de nouveaux clients, son activité antérieure doit continuer de produire des avantages substantiels au mandant et il faut que l'indemnisation soit quantitativement correcte en raison de l'existence de clauses de limitation de la concurrence, de commissions perdues, ou en vertu d'autres circonstances. De plus, la Loi française ne fixe pas la quantité d'indemnisation de rupture alors que la Loi espagnole fixe le maximum de la somme moyenne annuelle des rémunérations perçues par l'agent durant les cinq dernières années, ou durant toute la durée du contrat si elle est inférieure.
Enfin, la Loi espagnole différencie d'une part l'indemnisation de clientèle, à la fin du contrat d'agence, l'agent a le droit à une indemnisation si son activité antérieure continue à produire des avantages substantiels à l'entrepreneur. D'autre part, il existe des indemnisations en cas d'extinction du contrat comme la mort de l'agent, cas pour lequel l'indemnisation ne sera pas supérieure à la somme moyenne des rémunérations perçues par l'agent durant les cinq dernières années. Les dommages et intérêts peuvent être cédés à l'entrepreneur qui dénonce unilatéralement le contrat. L'agent perd son droit à l'indemnisation pour dommages et intérêts s'il ne respecte pas ses obligations légales ou contractuelles et dans le cas où il cède à un tiers les droits et obligations dont il était titulaire. De plus, la Loi espagnole, reconnait l'indemnisation d'éventuels préjudices causés par la résolution du contrat à durée indéterminée mais l'extinction du contrat conclu pour une durée indéterminée inclut une obligation de préavis qui, si elle n'est pas respectée, donne lieu à une faute et met fin aux droits de cette partie à ses indemnisations. La Loi française, ne régule qu'une seule indemnité, qualifiée de compensatrice en réparation du préjudice subi.
Ainsi, le contrat d'agence apparait comme une manière efficace pour l'entreprise de gagner du temps et de l'argent : en contractant un agent commercial, spécialiste indépendant du marché qui cherche la hausse de profit et la capacité d'innovation. La Loi applicable au contrat d'agent commercial peut être librement choisie par les parties : c'est un principe fondamental de droit international privé, reconnu dans la Convention de Rome de 1980. Cependant les normes de caractère impératif du pays dans lequel l'agent commercial mène son activité s'appliqueront. La loi d'un autre pays, par exemple, ne prive pas l'agent espagnol de son droit à recevoir l'indemnisation pour la clientèle. On note clairement la volonté de protéger les intérêts de l'agent à travers cette législation.
Il est donc évident que malgré la Directive de 1986 il reste encore de nombreuses différences entre les pays communautaires sur le contrat d'agent commercial. Le régime offert est garanti par la Loi espagnole parait plus favorable à l'agent commercial, par exemple, en ce qui concerne l'indemnisation de cessation du contrat.
Jean-Marc Sànchez, Avocat, AGM avocats-abogados