La Cour de cassation juge que lorsqu’un véhicule est équipé d’un logiciel destiné à tromper les mesures européennes anti-pollution, le contrat de vente peut être anéanti pour manquement grave du vendeur à son obligation de délivrance d’un bien conforme. L’acquéreur a cinq ans pour agir en justice à compter de la date à laquelle il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance du défaut du véhicule.
Après l'achat d'un véhicule, l'acquéreur a été informé par le constructeur qu'une enquête était en cours pour déterminer si des automobiles à moteurs diesel avaient été équipés d’un dispositif destiné à tromper les mesures anti-pollution et de la nécessité de mettre à jour un logiciel de son véhicule.
Il a réclamé la résolution de la vente, soutenant que le vendeur avait manqué à son obligation de délivrance d’un véhicule conforme en ne respectant pas le règlement n° 715/2007 du 20 juin 2007 sur les mesures anti-pollution.
Le vendeur lui a opposé la prescription de son action.
La cour d'appel de Bordeaux a déclaré l'action recevable : pour les juges du fond, le délai de cinq ans a commencé à courir, non pas à la livraison du véhicule, mais à la réception du courrier l’informant de l’opération de rappel.
En revanche, elle a refusé d’anéantir le contrat de vente en considérant que :
- le véhicule avait été homologué ;
- l’acheteur ne prouvait pas que le véhicule n’était pas conforme au règlement européen ;
- l’acheteur avait utilisé le véhicule pendant plusieurs années sans connaître de difficulté.
L’acheteur et le vendeur ont chacun formé un pourvoi en cassation.
Dans un arrêt rendu le 24 septembre 2025 (pourvoi n° 23-23.869), la Cour de cassation énonce tout d'abord que la prescription de cinq ans court à compter du jour où l’acquéreur a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance du défaut de conformité du bien qu’il a acheté.
En l'espèce, le délai a commencé à courir lorsque l’acquéreur a reçu les courriers d’alerte du constructeur, soit moins de cinq ans avant sa demande en justice. Son action était donc bien recevable.
S'agissant de la non-conformité du véhicule au regard des règles européennes anti-pollution, la Cour de cassation rappelle la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) selon laquelle :
- un logiciel intégré au moteur d’un véhicule et qui réduit l’efficacité du système de contrôle d’émission de gaz polluants est un "dispositif d’invalidation" ;
- les "dispositifs d’invalidation" sont interdits ;
- un véhicule équipé d’un "dispositif d’invalidation" n’est pas conforme ;
- ce défaut de conformité n’est pas un défaut mineur.
La Haute juridiction judiciaire en déduit, en droit français, que le vendeur qui délivre un véhicule dans le moteur duquel est implanté un logiciel destiné à tromper les mesures d’émission de gaz polluants manque à son obligation de délivrance conforme.
Enfin, concernant la gravité du défaut de conformité, la Cour de cassation apprécie pour la première fois la gravité du manquement du vendeur à la lumière de la Charte de l'environnement de 2004.
Elle juge qu’au regard des principes établis par la Charte, le fait de livrer un véhicule dont le moteur est équipé d’un dispositif interdit en ce qu’il fausse les mesures de gaz polluants constitue un manquement grave du vendeur à son obligation de délivrance conforme.
La Cour de cassation en conclut que les juges du fond ont commis une erreur de droit en rejetant la demande de résolution de vente.