La cour d'appel de Paris valide la rupture brutale par un organe de presse du contrat qui le liait à un créateur de mots fléchés ayant fourni une grille contenant une solution qualifiée par le juge comme une "moquerie grossière et insultante" de nature homophobe.
Un autoentrepreneur exerçant une activité de verbicruciste a créé des grilles de mots fléchés publiées dans Le Journal du Dimanche.
L'éditeur de l'hebdomadaire lui a notifié la rupture de leurs relations commerciales au motif qu'il avait introduit dans sa livraison du 29 septembre 2019 une solution injurieuse homophobe : à la définition "plus à voile qu'à vapeur", la réponse à trouver était "tapette" et "gréées".
Le verbicruciste a contesté toute faute et dénoncé la brutalité de la rupture.
Dans un arrêt rendu le 25 octobre 2023 (n° 21/18393), la cour d’appel de Paris relève que, pour ne s'en tenir qu'aux ouvrages produits par l'intimé, contractuellement tenu de livrer des grilles de mots fléchés exemptes d'erreurs et de propos insultants pour une personne déterminée ou une catégorie spécifique d'individus, le terme "tapette" désigne dans son sens premier une palette de bois pour enfoncer les bouchons et, dans une acceptation familière et vulgaire, un homosexuel efféminé (Le Petit Robert) ou passif (Trésor de la langue française).
Il est ainsi, en soi, perçu par le corps social comme une moquerie grossière et insultante tirée de l'orientation et des préférences sexuelles du sujet, présentées sous un jour significativement dégradé et péjoratif, la féminité étant ici envisagée comme le vice d'une masculinité défaillante, minorée.
Pour les juges du fond, la banalisation derrière laquelle le verbicruciste paraît se retrancher en invoquant la ligne éditoriale de l'organe de presse et le ton léger de sa rubrique "Jeux et détente", n'enlève rien à la gravité de l'insulte et de la faute qu'elle matérialise.
Au contraire, nourrissant une logique de légitimation de celle-ci et d'invisibilisation des personnes ou groupe d'individus qui en sont victimes, elle aggrave l'atteinte subie par les personnes moquées et, partant, par l'organe de presse qui est associé à sa réalisation : une telle publication est de nature à ternir sérieusement son image et à affecter son lectorat, peu important que le signalement évoqué ne soit pas produit et que (...)