Le monument funéraire situé au cimetière du Montparnasse, composé de la sculpture "le Baiser" de Brancusi, de la stèle et de la tombe, doit être considéré comme un "immeuble" au sens de la loi, ce qui autorise l’Etat à le classer comme monument historique sans l’autorisation de ses propriétaires.
La Russe Tatiana Rachewskaia, alors étudiante en médecine à Paris, a mis fin à ses jours le 5 décembre 1910.
Ses parents ont acheté une concession perpétuelle au cimetière du Montparnasse et une sculpture pour orner la tombe, réalisée par Constantin Brancusi, jeune sculpteur roumain alors totalement inconnu.
En 2005, les descendants de la défunte ont fait valoir leurs droits sur la concession perpétuelle et entrepris des démarches pour déposer et exporter la sculpture. L’Etat s’y est opposé en élevant "Le Baiser" au rang de trésor national puis en inscrivant la totalité de la sépulture au titre des monuments historiques.
Saisi par les descendants, le tribunal administratif de Paris a confirmé la décision de l’Etat le 12 avril 2018 avant que celle-ci soit annulée par la cour administrative d’appel de Paris le 11 décembre 2020 (n° 18PA02011).
Saisi par le ministère de la Culture, le Conseil d'Etat a été amené à déterminer si :
- cette statue doit être considérée juridiquement comme un immeuble par destination, dont l’inscription aux monuments historiques nécessite l’accord de ses propriétaires ;
- la tombe, dans son ensemble, correspond à un immeuble par nature, pouvant dès lors être inscrit sans l’accord de ses propriétaires.
Dans son arrêt rendu le 1er juillet 2021 (requête n° 447967), la Haute juridiction administrative constate qu’un monument funéraire érigé sur un caveau servant de fondation, fût-il construit par un autre que le propriétaire du sol, doit être regardé globalement, avec tous les éléments qui lui ont été incorporés et qui composent l’édifice, comme un bâtiment, au sens et pour l’application de l’article 518 du code civil.
Elle relève en l'espèce que la statue a été acquise spécifiquement pour la tombe de la jeune femme, qu’elle est fixée sur une stèle conçue exprès pour l’accueillir, réalisée dans la même pierre que la sculpture et implantée sur la tombe, et que "le Baiser" et sa stèle font ainsi partie, avec la tombe, d’un ensemble (...)