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Non-renvoi de QPC : statut des procureurs européens délégués

Les procureurs européens délégués, étant pleinement indépendants du ministère de la Justice, peuvent exercer des actes qui relèvent de magistrats du siège.

Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), portant sur les articles 696-114 et 696-118 du code de procédure pénale, relatifs aux pouvoirs du procureur européen délégué, a été posé au conseil d’Etat.

Les requérants soutenaient que ces dispositions portaient atteinte aux principes d'impartialité et d'indépendance des juridictions, ainsi qu'aux droits de la défense et au droit au procès équitable, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Dans un arrêt du 10 juillet 2025 (requête n° 503747), le Conseil d’Etat dit qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel.

D'une part, les dispositions contestées des articles 696-114 et 696-118 du code de procédure pénale, qui procèdent à l'adaptation dans la procédure pénale nationale des dispositions du règlement (UE) 2017/1939 du 12 octobre 2017, confèrent aux procureurs européens délégués non seulement les attributions relevant des magistrats du parquet dans le cadre d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire, mais aussi, ainsi qu'il a été dit, le pouvoir d'accomplir certains actes procéduraux relevant, hors du titre X bis relatif au Parquet européen, du juge d'instruction dans le cadre d'une information judiciaire.
Si ce mode d'organisation procédurale, qui trouve sa justification dans les spécificités liées au fonctionnement du Parquet européen, diffère de l'organisation de la procédure pénale nationale prévue hors du titre X bis relatif au Parquet européen, les dispositions litigieuses n'ont pour autant ni pour objet ni pour effet de faire participer les procureurs européens délégués, qui sont chargés de mettre en œuvre les poursuites, de réaliser certains actes d'instruction et de représenter l'accusation devant les juridictions, au jugement des affaires qu'ils traitent, lequel relève de la seule compétence des juges du siège nationaux.
Dès lors, ces dispositions, en déterminant ainsi le cadre procédural dans lequel agissent les procureurs européens délégués, ne portent pas atteinte au principe de non-cumul des fonctions de poursuite et des fonctions de jugement.

D'autre part, si les procureurs européens délégués peuvent, en vertu des dispositions contestées, accomplir certains actes procéduraux qui relèvent, hors du titre X bis relatif au Parquet européen, d'un magistrat du siège, leur statut prévoit des garanties spécifiques d'indépendance, distinctes de celles applicables aux magistrats nationaux du parquet.
Il résulte à cet égard du point 1 de l'article 6 du règlement (UE) 2017/1939 que les procureurs européens délégués, qui en vertu de l'article 17 de ce règlement sont nommés par le collège du parquet européen sur proposition de son chef et doivent présenter toutes garanties d'indépendance, ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucune personne extérieure au Parquet européen, d'aucun Etat membre de l'Union européenne, ou d'autre institution, d'aucun organe ou organisme de l'Union.
Il résulte en outre du point 1 de l'article 13 de ce règlement que les procureurs européens délégués, qui agissent au nom du Parquet européen dans leurs Etats membres respectifs, suivent les orientations et les instructions de la chambre permanente chargée de l'affaire ainsi que les instructions du procureur européen chargé de la surveillance de l'affaire.
Il résulte enfin du point 4 de l'article 5 de ce règlement que le Parquet européen mène ses enquêtes de façon impartiale et recueille tous les éléments de preuve pertinents, aussi bien à charge qu'à décharge.
Conformément à ce cadre, les dispositions du second alinéa de l'article 696-109 du code de procédure pénale prévoient que ne sont pas applicables aux procureurs européens délégués l'ensemble des dispositions de ce code relatives aux instructions générales de politique pénale adressées aux magistrats du ministère public par le garde des Sceaux ainsi qu'au lien hiérarchique entre les procureurs et les procureurs généraux.

La seule circonstance, invoquée par les requérants, qu'un Etat membre puisse révoquer un procureur national nommé en tant que procureur européen délégué ou prendre des mesures disciplinaires à son égard ne saurait être regardée comme de nature à remettre en cause l'indépendance de ce magistrat, dès lors qu'il résulte du point 4 de l'article 17 du règlement (UE) 2017/1939 que l'Etat membre ne le peut, sans l'accord du chef du Parquet européen, que pour des raisons qui ne sont pas liées aux responsabilités que le procureur européen délégué exerce en cette qualité.
Si les requérants relèvent, par ailleurs, que les procureurs européens délégués sont soumis à l'autorité hiérarchique interne du Parquet européen, et notamment aux chambres permanentes chargées de diriger les enquêtes et les poursuites menées dans les Etats membres, cette circonstance n'est pas de nature, eu égard notamment aux garanties statutaires d'indépendance propres à cet organe de l'Union, à porter atteinte à leur indépendance.

Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de ce que les dispositions litigieuses, en ce qu'elles confèrent à la partie poursuivante le pouvoir d'accomplir certains actes procéduraux relevant, hors du titre X bis relatif au Parquet européen, d'un juge du siège dans le cadre d'une information judiciaire, porteraient atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions ne présente pas un caractère sérieux.

© LegalNews 2025
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