Les amendes et pénalités infligées à Google qui a refusé de supprimer des contenus critiquant les autorités russes ont porté atteinte à sa liberté d’expression, car elles censurent toute "divergence par rapport au discours officiel" et crée un "effet dissuasif" sur les hébergeurs de contenus critiques envers le pouvoir en place.
L’affaire concerne des procédures judiciaires ouvertes en Russie à la suite du refus de la société Google de supprimer un certain nombre de contenus de la plateforme YouTube, notamment des vidéos à caractère politique jugées illicites par les autorités russes, et du non-rétablissement de fonctionnalités de monétisation du site YouTube de Tsargrad, une chaîne de télévision russe appartenant à un oligarque russe sous le coup de sanctions infligées par les Etats-Unis et l’Union européenne en raison de son soutien à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.
Les procédures en question se sont soldées par la condamnation de Google à de très lourdes amendes.
Dans son arrêt Google LLC et autres c/ Russie du 8 juillet 2025 (requête n° 37027/22), la Cour européenne des droits de l’Homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’Homme en raison de la procédure administrative portant sur les demandes de suppression de contenus.
Au lieu d’examiner les demandes en question à l’aune des exigences de la Convention, les juridictions internes sont parties du principe selon lequel toute divergence par rapport au discours officiel constituait en soi une menace pour les intérêts nationaux, sans rechercher si les contenus litigieux étaient effectivement inexacts ou présentaient des risques particuliers et sans apporter la preuve concrète d’un quelconque préjudice.
Les sanctions disproportionnées prononcées en l’espèce, qui atteignaient des milliards de roubles russes, ont eu un "effet dissuasif" sur les hébergeurs de contenus critiques à l’égard des autorités.
Il s’ensuit que l’ingérence litigieuse n’était pas "nécessaire dans une société démocratique".
Concernant l’injonction de fournir des services à Tsargrad TV, il y a également violation de l’article 10 (liberté d’expression), eu égard au montant manifestement excessif des pénalités litigieuses et à la mauvaise foi dont la procédure d’exécution forcée a été entachée, la Cour considère que l’ingérence subie par Google était disproportionnée au regard du but légitime qu’elle était censée poursuivre.