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Responsabilité de l'avocat conseil fiscal

Tenu d'un devoir de conseil et de prudence, l'avocat a l'obligation d'appeler l'attention de son client sur les incertitudes du droit positif au jour de son intervention et sur les risques pouvant affecter la validité ou l'efficacité de l'opération projetée.

Un contribuable a apporté à la société de droit belge G., constituée le même jour avec son épouse et soumise à l'impôt sur les sociétés, des actions détenues dans la société F. et reçu en rémunération de cet apport des parts de la société G., cette opération étant réalisée sur les conseils d'un avocat dans un but d'optimisation fiscale, sous le bénéfice du sursis d'imposition de la plus-value prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts (CGI).
L'administration fiscale a notifié au contribuable une proposition de rectification de l'impôt sur le revenu fondée sur l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF) réprimant l'abus de droit.
Le contribuable a assigné en responsabilité et indemnisation son avocat.

La cour d'appel de Paris a condamné l'avocat à payer à son client une certaine somme.
Elle a retenu, d'une part, qu'à la date de l'intervention de l'avocat, le Conseil d'Etat admettait déjà l'existence d'un abus de droit lorsque le contribuable a pour but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles.
Elle a retenu, d'autre part, que, s'il n'avait pas statué sur le fondement de l'article L. 64 du LPF en cas de sursis d'imposition, dès 2007 et 2008, certaines juridictions administratives avaient admis l'application de ce texte au sursis d'imposition malgré le caractère de plein droit de cette mesure.
La cour d'appel a constaté que, dans son avis du 24 septembre 2008, même s'il avait indiqué à son client que l'administration avait tendance à remettre en cause ce type d'opérations sur le fondement de l'abus de droit à défaut d'investissement du prix de cession des titres apportés dans le développement d'une activité industrielle, commerciale ou artisanale, l'avocat avait conclu de manière péremptoire et peu étayée que l'opération ne présentait aucun risque en se fondant seulement sur les avis du CCRAD de 2005.

La cour d'appel a ensuite relevé, d'une part, que, toujours chargé de procéder aux formalités déclaratives en 2011, l'avocat n'avait alors pas appelé l'attention de son client sur la nécessité de procéder, avant la fin de cette année, à des investissements significatifs dans des activités économiques, malgré un arrêt du Conseil d'Etat du 8 octobre 2010 faisant application de l'article L. 64 du LPF au report d'imposition aux motifs que l'intérêt fiscal de la mesure était de différer l'imposition et que celle-ci entrait dans le champ d'application de cet article dès lors qu'elle avait nécessairement pour effet de minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû en raison de la situation et des activités réelles du contribuable et retenu, d'autre part, que cette solution était transposable au sursis d'imposition produisant des effets similaires.

Dans un arrêt du 25 juin 2025 (pourvoi n° 23-16.629), la Cour de cassation rejette le pourvoi du client.
Elle rappelle que, tenu d'un devoir de conseil et de prudence, l'avocat a l'obligation d'appeler l'attention de son client sur les incertitudes du droit positif au jour de son intervention et sur les risques pouvant affecter la validité ou l'efficacité de l'opération projetée.
Elle estime que la cour d'appel a pu déduire qu'au regard de l'état du droit à l'époque de ses interventions successives, l'avocat avait manqué à ses devoirs de prudence et de conseil.

© LegalNews 2025
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