CEDH : condamnation de la France concernant les "nasses policières"

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Le recours, par les forces de l’ordre, à la technique de l’encerclement qui était, à la date des faits, dépourvu de base légale a méconnu les libertés de circulation et de réunion pacifique des requérants qui ont été empêchés de prendre part à une manifestation.

L’affaire concerne l’encerclement des manifestants pendant plusieurs heures par les forces de l’ordre sur la place Bellecour à Lyon, le 21 octobre 2010, au cours d’une manifestation contre un projet de loi sur la réforme des retraites.

Dans son arrêt Auray et autres c/ France du 8 février 2024 (requête n° 1162/22), la Cour européenne des droits de l’Homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 2 du Protocole n° 4 (liberté de circulation) à la Convention européenne des droits de l’Homme, et violation de l’article 11 (liberté de réunion et d’association) lu à la lumière de l’article 10 (liberté d’expression).

Après avoir relevé que le but de l’encerclement de la place Bellecour était d’isoler et de confiner des fauteurs de troubles potentiellement violents, afin de prévenir un risque pour la sécurité des personnes et le bon déroulement de la manifestation, la Cour reconnaît qu’une telle restriction à la liberté des personnes était nécessaire pour prévenir un risque réel d’atteintes graves aux personnes ou aux biens, et qu’elle a été limitée au minimum requis à cette fin.
Elle en déduit qu’en dépit de sa durée et de ses effets sur les requérants,
elle ne constituait pas, eu égard à son genre et à ses modalités d’exécution, une "privation de liberté" au sens de l’article 5 § 1 de la Convention.

Statuant ensuite sur les griefs relatifs aux libertés de circulation (article 2 du Protocole no 4), d’expression (article 10) et de réunion pacifique (article 11), la Cour rappelle que toute mesure restreignant ces libertés doit être "prévue par la loi".
Or, la Cour relève que le cadre juridique général relatif au maintien de l’ordre, en vigueur à la date des faits litigieux, ne saurait être regardé comme définissant un cadre d’emploi de la technique de l’encerclement suffisamment précis pour constituer une garantie contre le risque d’atteintes arbitraires aux libertés des personnes susceptibles d’en être l’objet.
La Cour en déduit que
le recours par les forces de l’ordre à la technique de l’encerclement n’était pas, à la date des faits, "prévu par la loi" au sens des dispositions invoquées.

Pour ce motif, la Cour conclut, après avoir relevé la publication par le ministre de l’Intérieur en décembre 2021, soit postérieurement aux faits de l’espèce, d’un nouveau schéma national du maintien de l’ordre, qu’il y a eu violation de l’article 2 du Protocole n° 4 et de l’article 11 de la Convention, lu à la lumière de l’article 10.

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