V- Le contrat, outil de protection des bases de données non protégées
La Cour de Justice de l'Union Européenne a été saisie de la question de savoir si le producteur d'une base de données qui n'est protégée ni par le droit d'auteur, ni par le droit sui generis, tels que prévus par la Directive 96/6/CE du Parlement Européen et du Conseil, peut limiter contractuellement l'utilisation des données de sa base. En l'espèce, la compagnie Ryanair reprochait à PR Aviation, dont l'activité consiste à présenter, comparer et permettre de réserver des vols en ligne, d'utiliser à des fins commerciales, des données provenant de son site internet. Ryanair se prévalait des conditions générales d'utilisation de son site, acceptées par PR Aviation, qui interdisent expressément l'extraction des données du site à des fins commerciales sans l'accord de Ryanair. PR Aviation rétorquait l'impossibilité pour Ryanair de limiter contractuellement l'utilisation des données de sa base, en invoquant les exceptions prévues par la directive en vertu desquelles le producteur d'une base de données ne peut interdire certaines utilisations.
La Cour répond toutefois que la Directive n'est pas applicable au producteur d'une base de données non protégée et que dès lors, les exceptions prévues par ladite Directive ne s'appliquent pas à Ryanair.
Cette motivation logique conduit néanmoins à reconnaître à Ryanair une plus grande liberté contractuelle qu'en présence d'une base de données protégée.
La licéité des dispositions contractuelles restreignant la reprise de données à des fins commerciales devra ainsi être appréciée au regard du seul droit national et non de la Directive.
A suivre en 2016, en attendant la réforme du droit des contrats.
Eléonore Varet
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Notes:
(1) Tribunal de grande instance de Paris, 6 novembre 2014, n°12/04940, Oracle Corporation, Oracle International Corporation, Oracle France/Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes ; Tribunal de grande instance de Nanterre, Ordonnance de référé, 12 juin 2014, n° 13/02965, Oracle Corporation, Oracle International Corporation, Oracle France / Carrefour SA; Tribunal de grande instance de Paris, 7 mai 2014, n° 12/10146, Actuate Corporation, SARL Actuate International, Actuate International Corporation / AXA Real Estate Investment Managers France SA
(2) Cour d'appel de Bordeaux, 1ère ch. Civ., section B, 29 janvier 2015, IBM France et BNP Paribas Factor / Mutuelle Assurance des Instituteurs de France
(3) Cour d'appel de Paris, pôle 5, chambre 5, 3 juillet 2015, n°13/06963, SET Environnement/Société française d'expertise informatique et de réalisation; Cour d'appel de Paris, pôle 5, chambre 5, 1er octobre 2015, n°14/07440, Isiasoft / First Caution
(4) Cour d'appel de Grenoble, 4 juin 2015, n°11/01817, Sarl Cimm Franchise / Sas 3C Evolution, SARL E-Développement Conseil
(5) Cour de justice de l'Union Européenne, 2ème chambre, 15 janvier 2015, C-30/14, ryanair Ltd / R Aviation BV
A propos de l'auteur
Eléonore Varet, Counsel, Osborne Clarke
Eléonore Varet accompagne les entreprises et institutions, aussi bien françaises qu’internationales, dans le cadre de leurs projets numériques. A ce titre, elle intervient sur toutes les problématiques liées aux contrats informatiques, aux projets web ainsi qu’en matière d'externalisation de systèmes informatiques et de processus métier. Elle assiste par ailleurs les entreprises dans le cadre de leur stratégie de gestion et de protection des données à caractère personnel et sur l’ensemble de leurs problématiques en droit commercial.