Paris

17°C
Clear Sky Humidity: 52%
Wind: 1.54 M/S

Contrats informatiques : panorama de jurisprudence 2015 - 1- Maudit audit !

I- Maudit audit !

Par trois décisions, les juges des tribunaux de grande instance de Paris et de Nanterre ont rejeté les demandes de grands éditeurs de logiciels (Oracle et Actuate), réputés être particulièrement agressifs.

Dans une décision du 6 novembre 2014, les juges se sont placés sur le terrain de la bonne foi pour débouter Oracle et l'inviter à revoir ses pratiques. Dans cette affaire, l’AFPA avait lancé un appel d’offre en 2001 portant sur la fourniture de progiciels de gestion comptable et financière et de prestations associées d’intégration, de formation et de maintenance. Le 19 avril 2002, le marché avait été notifié à Sopra Group qui avait proposé la solution PGI Oracle E-Business Suite et commandé pour l’AFPA les licences pour 475 utilisateurs du logiciel Financials d'Oracle. A l’expiration du marché, Oracle avait repris l’intégralité des contrats de licence souscrits. En 2005, Oracle avait réalisé un premier audit au sein de l’AFPA portant sur les produits Oracle Database et IAS Entreprise Edition dont le rapport faisait référence au module Purchase Order. En 2008, Oracle avait initié un nouvel audit concomitamment à un nouvel appel d’offres de l’AFPA pour développer la solution achat au terme duquel l’AFPA utilisait 885 licences du logiciel Purchasing qui ferait partie de la famille Procurement, distincte de Financials. Après deux ans de négociations infructueuses sur le point de savoir si le logiciel Purchasing était inclus ou non dans les licences Financials, Oracle a assigné l’AFPA en contrefaçon, chiffrant ses demandes à plus 13 millions d’euros!

Après avoir considéré que le litige relevait de la seule responsabilité contractuelle en soulignant qu’ « à aucun moment il n’est soutenu que l’AFPA aurait utilisé un logiciel cracké ou implanté seule un logiciel non fourni par Sopra Group, ni même que le nombre de licences ne correspondait pas au nombre d’utilisateurs », le Tribunal a rejeté les demandes d’Oracle aux motifs que « les sociétés Oracle entretiennent un doute et une confusion sur ce qu’est réellement ce logiciel », qu’elles l’ont elles- mêmes inclus dans les CD des logiciels à installer pour répondre aux spécifications du marché et qu’elles faisaient référence à l’utilisation par l’AFPA de ce module dans le premier rapport d’audit. Les demandes d'Oracle à l’encontre de Sopra Group, appelée en garantie par l'AFPA, sont également rejetées au motif qu'il lui appartenait de vérifier que le logiciel entrait bien dans la suite logicielle commandée et, le cas échéant, de contester la commande, ce qu'Oracle n'avait fait qu'à la suite de la perte du second marché.

Dans une deuxième affaire, par une ordonnance de référé rendue le 12 juin 2014 dans un litige opposant Oracle aux sociétés Carrefour SA et Carrefour Organisation et Systèmes Groupe, le Tribunal de grande instance de Paris a considéré qu’Oracle ne pouvait pas imposer l’exécution de scripts dans le cadre d'un audit. Le Tribunal a justifié l’impossibilité d’ordonner cette mesure en se fondant, d’une part, sur l’absence de stipulation contractuelle sur ce point dans les accords liant les parties, et d’autre part, sur le fait que les scripts ne constituent pas une mesure d’instruction légalement admissible au sens des articles 145 du code de procédure civile et L.332-1-1 du code de la propriété intellectuelle. En l'espèce, les sociétés du groupe Carrefour avaient en effet refusé d'exécuter les scripts pour des raisons de confidentialité et avaient contesté le montant des régularisations réclamé par Oracle à partir de ses propres estimations. Le Tribunal a toutefois ordonné une expertise et fixé les contours de la mission (inventaire du parc logiciel Oracle Database acquis, déployé et utilisé par les sociétés Carrefour, identification des métriques, détermination de la configuration et des caractéristiques techniques des serveurs supportant les produits et identification d’éventuelles désinstallations).

Enfin, par un jugement du 7 mai 2014, le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes d’indemnisation chiffrées à 602.705 euros des sociétés Actuate, en prenant une position favorable aux utilisateurs concernant l’acceptation des conditions de licence. En l’espèce, AXA REIM et Actuate International SARL avaient signé un contrat de licence en 1999. Actuate prétendait toutefois que dans le cadre de l’installation d’une nouvelle version des logiciels en 2006 au titre de prestations de services de migration et de mise à niveau, AXA REIM aurait accepté de nouvelles conditions de licence venant s'y substituer, lesquelles n'auraient pas été respectées. Les violations alléguées par Actuate dans le cadre d'un audit portaient sur le non-paiement de redevances de transfert, la réalisation de copies illicites des logiciels au prétexte de copies de sauvegarde et la copie illicite de clés de licence. Pour retenir que le contrat « clic » n’était pas opposable à AXA REIM, le Tribunal a souligné que le contrat accepté par « clic » avait été précédé d’un bon de commande signé par le directeur du département et le management client d’AXA REIM et qu’aucune mention dans cette proposition n’attirait l’attention sur le fait qu’il s’agissait d’un nouveau contrat se substituant à l’ancien et sur la nécessité d’accepter les nouvelles conditions essentielles, comme celles de l’application de la loi californienne. Pour ces raisons, le Tribunal a jugé que même si le clic d’acceptation avait matériellement été effectué par un administrateur réseau d’AXA REIM, la signature d’un bon de commande succinct au lendemain de la proposition de services et l’acceptation de nouvelles conditions par un simple clic étaient insuffisantes à garantir la rencontre des volontés. Ainsi, seul le contrat de 1999 était opposable au licencié.

Image

Actualisé quotidiennement, le Monde du Droit est le magazine privilégié des décideurs juridiques. Interviews exclusives, les décryptages des meilleurs spécialistes, toute l’actualité des entreprises, des cabinets et des institutions, ainsi qu’une veille juridique complète dans différentes thématiques du droit. De nombreux services sont également proposés : annuaire des juristes d’affaires, partenariats de rubriques (affichez votre expertise sur Le Monde du Droit), création d’émissions TV diffusées sur 4Change (Interviews, talkshows, chroniques...), valorisation de vos différentes actions (deals, nominations, études, organisations d’événements, publication de contributions, récompenses, création de votre cabinet...)