III- Les obligations des parties dans les contrats Agile
Dans deux décisions, les juges précisent les responsabilités respectives des parties dans les contrats Agile.
La première affaire concernait un contrat de développement spécifique d'un programme de gestion de l'activité de la société SET Environnement sur la base de l'outil informatique métier du prestataire pour un montant de 246.5433 euros. Invoquant de nombreux manquements contractuels ainsi que le fait que le prix convenu était forfaitaire, le client a refusé de payer des factures supplémentaires s'élevant à la somme totale de 195.418 euros, contraignant le prestataire à l'assigner pour obtenir leur paiement.
Condamné en première instance, le client a interjeté appel de la décision, demandant la résolution du contrat aux torts exclusifs du prestataire au motif de l'inexécution par celui-ci de ses obligations, notamment le non-respect du prix convenu, un défaut de visibilité de l'état d'avancement des prestations par rapport à la facturation et une absence d'information d'une modification de l'enveloppe globale. Le prestataire, soutenait quant à lui avoir rempli ses obligations contractuelles et invoquait la flexibilité du contrat Agile pour justifier l'évolution du prix, le "co-pilotage" du contrat, la collaboration du client et une limitation corrélative de ses propres obligations.
Pour infirmer partiellement le jugement de première instance et accorder au client une réfaction sur le prix, la Cour d'appel a relevé que si le prix n'était pas forfaitaire mais consistait en une "enveloppe au temps passé" à ajuster selon les prestations à accomplir, le prestataire avait néanmoins manqué à son obligation de conseil en ne créant pas de rubrique spécifique dans le backlog pour les user stories non estimées dans le chiffrage de départ entrainant un dépassement de budget, alors qu'il s'était contractuellement engagé à alerter le client.
Dans la seconde affaire, un contrat de fourniture d'un logiciel de gestion des sinistres et de leur recouvrement avait été conclu le 29 septembre 2011 pour un montant d'environ 80.000 euros et pour une durée de 4 mois. Deux semaines après la signature, le prestataire a informé le client que le projet ne pourrait être réalisé dans le délai prévu au contrat et le client a alors mis fin au projet et acheté une solution standard du marché.
Débouté de sa demande de paiement en première instance et condamné au versement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, le prestataire a interjeté appel de la décision, invoquant la démarche Agile convenue pour mettre en exergue un défaut de collaboration du client et ainsi obtenir la résiliation du contrat aux torts de celui-ci et le paiement de ses factures impayées. Le client justifiait son refus par le caractère impératif du délai convenu et invoquait le dol au motif que le prestataire aurait vicié son consentement puisqu'il savait dès l'origine ne pas être en mesure de respecter le délai de livraison, élément déterminant du consentement du client.
Pour infirmer le jugement de première instance et retenir la résiliation du contrat aux torts exclusifs du client, le condamnant par conséquent au paiement du solde des factures, la Cour d'appel relève le manque de cohérence du client dans l'exposé des motifs, la rupture des relations commerciales et l'obligation qui découlait pour lui, de la démarche Agile, de manifester son désaccord avec l'interprétation du contrat retenue par le prestataire et le décalage du calendrier. Pour les juges, en s'abstenant d'exprimer ses insatisfactions, notamment par rapport au défaut de livraison du logiciel dans le délai de convenu, l'utilisateur avait implicitement consenti à l'interprétation du contrat du prestataire selon laquelle il n'y avait plus de date butoir nouvelle.
Cette solution semble toutefois motivée par une volonté de sanctionner le client lequel ayant abandonné le projet (au moins partiellement) pour des raisons politiques internes et ayant entretenu le flou sur les raisons de la rupture, souhaitait s'exonérer du paiement du solde des factures.