2. Une situation actuelle dommageable pour les fournisseurs SVoD et les distributeurs vidéo traditionnels: la contrefaçon dans le marché de la vidéo en streaming
- Une éventuelle expansion impossible vers les territoires internationaux ? Une fausse alerte
Initialement, la menace majeure à la croissance et au développement à grande échelle des services SVoD au niveau mondial venait de la réticence, par plusieurs pays européens de répondre, et de “s’adapter psychologiquement”, au business model offert par Netflix et compagnie. Les français, en particulier, ont été un problème: en citant l’ex Ministre de la Culture française Aurelie Filipetti, “(les français) ne vont absolument pas fermer la porte à (Netflix), mais ils doivent s’habituer aux différences avec le marché français et à comment ils peuvent participer de manière constructive. »
La France dispose des règles les plus strictes au monde pour protéger ses industries nationales du film et de la musique, et cela ne simplifiera pas la tâche à un service étranger tel que Netflix pour obtenir une part substantielle de marché. L’entreprise, qui a évidemment commencé à offrir les services SVoD en France à partir de novembre 2014, est confrontée à un niveau de taxes plus élevé que celui auquel il est habitué, y compris 20 pour cent de TVA, ainsi que des quotas d’investissement obligatoires sur ses revenus. En effet, les services SVoD basés en France avec des revenus annuels supérieurs à 10 millions d’euros doivent redistribuer 15 pour cent de leurs revenus à l’industrie du film européenne et 12 pour cent aux réalisateurs de film français. En outre, la France insiste pour que 40 pour cent du contenu des distributeurs auprés du public soit en français, alors que les fournisseurs SVoD existants – y compris “Infinity” de Canal Plus et “Filmo TV”de Wild Bunch – ont l’obligation, actuellement, d’attendre 36 mois aprés la sortie en salle d’un film pour le proposer au streaming en ligne. Ces régles – la biennommée « Exception Culturelle » – ont pour conséquence que la France conserve une industrie du cinéma et de la musique en bonne santé malgré la concurrence sans pitié provenant du monde anglo-saxon. Et bien que certains critiques ont dit que ce modèle était dépassé alors qu’un nombre croissant de personnes obtient leur entertainment en ligne plutôt que des médias traditionnels tels que la TV et la radio, la France continue néanmoins à faire tout ce qu’elle peut pour protéger ses industries nationales.
Comme mentionné ci-dessus, malgré ces difficultés, Netflix a bien évidemment commencer à proposer ses services SVoD en France, le marché étranger le plus difficile à pénétrer à ce jour, durant le quatriéme trimestre de 2014. Au MIPCOM 2014, le directeur en chef du contenu de Netflix Sarandos a été cité pour avoir dit que le comportement d’un spectateur, en Allemagne et en France, était “au même niveau que celui d’un spectateur localisé dans un autre territoire du monde où avait eu lieu un de leurs lancements courronnés de succés” et que la tragi-comédie carcérale de Netflix ‘Orange is the new black’ était le programme le plus vu sur les services SVoD dans tous les six nouveaux territoires européens. Sarandos a rajouté que le mix en Europe – à peu prés 70 pour cent de séries de TV et 30 pour cent de films long-métrage – était aussi similaire à celui des services de Netflix dans le reste du monde. Ainsi, la menace majeure pour les fournisseurs SVoD, et les distributeurs de vidéos traditionnels, réside ailleurs.
- Les coupables: les programmes et fournisseurs illégaux de vidéos en streaming
Alors que le téléchargement illégal de musique a baissé, comparé aux statistiques qui avaient été mesurées dans le passé (à peu prés un quart des gens qui utilisent les services de musique en streaming téléchargent toujours de la musique illégalement, comparé à 32 pour cent en septembre 2014), 35 pour cent des gens qui utilisent les services SVoD téléchargent toujours des films et séries TV illégalement. Cela ressort de l’étude Trends in Digital Entertainment, de janvier 2015, qui a été conduite par GfK et est publiée une fois par trimestre.
Des fournisseurs SVoD illégaux existent bel et bien, tel que Time4popcorn. Ils offrent des services SVoD aux membres du public, sur internet, sans avoir payé et négocié de redevances de licence aux titulaires de droits sur le contenu vidéo qui est distribué en streaming sur leurs chaînes. Un de ces fournisseurs SVoD illégaux était Aereo.com, qui s’est inscrit dans une procédure de redressement judiciaire de type Chapter 11 en novembre 2014. En juin 2014, la Cour Suprème fédérale américaine a rendu une décision intitulée ABC v Aereo. Aereo, un service TV-sur-internet, a introduit un business model perturbateur, en utilisant des milliers de trés petites antennes stockées dans un entrepôt, pour streamer en live des signaux de diffusion qu’ils avaient encodés par paquets, directement dans les foyers des utilisateurs. Aereo a été traduit en justice par les sociétés de télédiffusion (qui incluaient au départ 21st Century Fox, CBS, NBC et ABC) pour violation de leur droit d’auteur dans les performances publiques. Aereo a défendu ses actions en protestant que la seule chose qu’il faisait était de simplement fournir un outil pour visionner un programme qui était déjà disponible. La Cour Suprème a rejeté cette défense et a fait droit aux demandes des sociétés de télédiffusion, décidant qu’Aereo et sa technologie basée sur le cloud était trop similaire à une société du cable traditionnelle pour dire que ses services n’étaient pas une violation. La start-up ratée watch-TV-on-the-Internet Aereo.com pourrait faire un come back toutefois, étant donné que TiVo a acheté ces marques, noms de domaine et liste de clients lors d’une vente aux enchères, pour le prix avantageux de USD1 million en mars 2015. TiVo pourrait offrir un service similaire à celui d’Aereo mais qui aurait été autorisé, par le biais de licence, par les réseaux de TV[5].
Durant le congrés AIPPI en septembre 2014, Elizabeth Valentina, Vice Président de la Protection du Contenu pour Fox Entertainment Group, (émettant son propre point de vue puisque Fox était toujours en procés avec Aereo), a remarqué que le business model d’Aereo impliquait que le contenu soit diffusé en streaming sans permission, autorisation ou licence, et qu’Aereo faisait payer ses adhérents pour ces services. Ce business model était détrimental à celui des sociétés de télédiffusion et aux propriétaires de contenu, en dévaluant leur contenu, en interferant avec les deals exclusifs pour que le contenu soit diffusé sur internet et sur les appareils portables, ainsi qu’en détournant des téléspectateurs des revenus TV de publicité. C’était une atteinte qui a été clairement reconnue par le juge Nathan en première instance, durant la requête pour l’obtention d’une injonction préliminaire faite par les sociétés de télédiffusion. Durant le même congrés, Sanna Wolk (Professeur Associé à l’Université d’Uppsala en Suède et co-chair du comité droit d’auteur de l’AIPPI) a comparé la position américaine à celle adoptée dans l’UE où la CJUE en mars 2013 a décidé que le streaming presque live en ligne de la société britannique TV Catchup, était une « communication au public » non autorisée au sens de l’article 3(1) de la Directive 2001/29 (Directive InfoSoc) et, en conséquence, une violation de droit d’auteur susceptible de recours.
La CJUE a conclu que, comme TV Catchup rendait les oeuvres du système originaire de diffusion TV terrestre disponibles sur internet, et ainsi utilisait différents moyens techniques pour retransmettre la diffusion, cette retransmission était une “communication” au sens de l’article 3(1). En outre, dans ces circonstances, la cour n’avait pas à considérer si la communication était faite à un “nouveau public”, étant donné que la nouvelle transmission requérait une autorisation individuelle et séparée de la part des titulaires du droit d’auteur. Alors que le contentieux au fond semble la réponse la plus évidente et communément utilisée face à la violation du droit d’auteur et face aux services de vidéo en streaming contrefaisants, il est discutable si une bataille ardente contre la piraterie des vidéos en streaming en vaut vraiment la peine. En effet, si l’on s’appuie sur l’expérience de la bataille peu concluante, menée par l’industrie de la musique, contre les téléchargements illégaux de morceaux de musique offerts sur les sites peer-to-peer au début des années deux milles, il serait peut-être préférable d’avaler la pillule et d’explorer des solutions non-juridiques à cette contrefaçon tant endémique qu’handicapante. Par exemple, Popcorn Time, décrit comme étant le “Netflix pour les pirates” était récemment en fuite. Time4Popcorn.eu, une des itérations les plus populaires du site illégal de films, a eu son URL suspendu par les régulateurs européens en octobre 2014, forçant ce site à fermer, alors que ce dernier avait attiré des millions d’utilisateurs en juste quelques mois. Le Registre européen ID a mis Time4Popcorn.eu sur la touche en raison de suspicions que la page était enregistrée avec des informations de contact de l’administrateur inexactes. Les développeurs du site, plutôt que de fournir des données de contact appropriées, ont tout simplement déménagé sur Time4Popcorn.com.
Avec de plus en plus de décisions de justice forçant les ISPs à bloquer l’accés à certains sites internet dans les territoires qu’ils couvrent, la meilleure approche juridique semble être de demander une injonction, dans les territoires clé, afin que les ISPs soient obliger de bloquer les consommateurs finaux à l’accés de sites internet illégaux de fournisseurs SVoD.