Il y a 30 ans, Hans Jonas dans le Principe Responsabilité nous invitait à repenser le concept de responsabilité, estimant que nos sociétés étaient marquées par le développement croissant, au travers de la technique moderne, 'de l’agir collectif, dans lequel l’acteur, l’acte et l’effet ne sont plus les mêmes que dans la sphère de la proximité'.
Une telle invitation n’est pas démentie par le second visage (web 2.0) de l’Internet qui, permettant la participation de tous, redéfinit sans conteste les notions d’acteur (nous pouvons tous le devenir), d’acte (infinie et en apparence anonyme) et d’effet (les contenus semblent pouvoir demeurer en ligne indéfiniment).
C’est dans cette perspective qu’il convient d’envisager les trois arrêts du 17 février 2011, par lesquels la première chambre civile de la Cour de cassation a entendu clarifier le régime de responsabilité des sites communautaires tant à l’égard de leur qualification juridique, que des modalités de mise en œuvre de cette responsabilité (Cass. 1ère Civ., 17/2/2011, n° 09-67.896, n° 09-13.202 et n° 09-15.857).
La notion d’hébergeur : un élargissement attendu
On se souvient que dans l’arrêt Tiscali du 14 janvier 2010, la même chambre de la Cour de cassation, prenant en cela le contrepied de la jurisprudence des juges du fond, avait fait des articles 6.I.2 et 6.I.3 de la Loi sur la Confiance dans l’Economie Numérique ("LCEN") une interprétation restrictive. Considérant que la société Tiscali proposait "aux internautes de créer leurs pages personnelles" et aux annonceurs de "mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants", elle avait refusé à cette société le bénéfice de la qualification protectrice d’hébergeur. La responsabilité, civile comme pénale, de l’hébergeur, ne pouvait, en effet ; être engagée, en vertu de l’article précité de la LCEN, (...)