Un an après l'introduction des actions de groupe en France, Laura Ferry, avocat counsel au sein du cabinet Reed Smith, nous propose une analyse du modèle français face au modèle américain. Elle offre son éclairage sur les conséquences de telles actions pour les entreprises américaines qui exercent en France et les garanties d’assurance à souscrire pour couvrir les nouveaux risques liés à l’adoption des actions de groupe.
Un an après son entrée en vigueur, l’action de groupe va connaître une évolution importante puisque le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la santé qui permettra notamment la mise en œuvre de ce type d’actions dans ce domaine.
Il aura fallu des années de discussions pour que soit introduite, par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, l’action de groupe dont le but est de mettre en place une meilleure défense des intérêts du consommateur tout évitant les dérives observées aux Etats-Unis où la class action constitue un véritable modèle économique.
Cependant, l’action de groupe ne semble pas connaître en France l’engouement escompté malgré un récent communiqué de presse du gouvernement qui salue l’engagement des associations qui ont exercé ce type d’actions.
A ce jour, six procédures ont été engagées devant les juridictions dont une qui a abouti à un accord de deux millions d’euros pour indemniser 100.000 consommateurs lésés par des charges locatives illicites.
1. Déroulement de l’action de groupe
En France, l’action de groupe est strictement limitée aux consommateurs aux fins d’obtenir la réparation de préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels et ayant pour cause un manquement d’un professionnel aux obligations légales ou contractuelles à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services et de préjudices résultant de pratiques anticoncurrentielles.
Seules les associations de consommateurs agréées au niveau national sont habilitées à engager une telle action, alors qu’aux Etats-Unis, le groupe est représenté en justice par les membres de celui-ci (« the class representative »).
La première phase de l’action qui réunit l’association agréée, le professionnel et le juge, à l’exclusion des consommateurs, débute par l’assignation délivrée par l’association agréée à l’encontre du professionnel.
En pratique, les premières assignations ont fait l’objet d’une importante diffusion médiatique de la part des associations agréées alors même que les professionnels n’avaient pas encore été jugés responsables.
A la fin de cette première phase, le Tribunal statue sur la responsabilité du professionnel, contrairement au juge américain qui se prononce à la fin de la procédure (comme dans une procédure classique).
Puis, le juge ordonne une réparation pécuniaire ou en nature et définit les contours du groupe concerné ainsi que le délai et les conditions dans lesquelles les consommateurs pourront adhérer au groupe.
Le Tribunal détermine les mesures de publicité afin que le jugement soit porté à la connaissance des consommateurs (qui seront susceptibles d’appartenir au groupe).
Selon le système américain, toutes les personnes qui entrent dans la définition du groupe deviennent membres de droit avec la possibilité de s’en exclure (système de l’opt-out) alors que, dans le système français, une adhésion volontaire des consommateurs est nécessaire (système de l’opt-in).
L’action de groupe se poursuit par la phase d’indemnisation au cours de laquelle le professionnel indemnise les consommateurs dans le délai fixé par le juge.
Enfin, la dernière phase est celle au cours de laquelle le juge tranche toutes les difficultés liées à la mise en œuvre du jugement.
Les entreprises doivent donc mettre en place une véritable stratégie face à l’éventualité d’une telle action et être particulièrement attentives aux évolutions possibles de son champ d’application.
2. L’extension du champ d’application de l’action de groupe
Des discussions ont lieu actuellement afin d’étendre l’action de groupe en matière de lutte contre les discriminations ainsi dans le domaine de la santé.
Cette extension pourrait donner un nouveau souffle à l’action de groupe.
Le 6 octobre dernier, le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la santé qui doit permettre « la réparation des préjudices individuels subis par des usagers du système de santé (…) ayant pour cause commune un manquement d’un producteur ou d’un fournisseur [de produits de santé] ou d’un prestataire utilisant l’un de ces produits, à leurs obligations légales ou contractuelles. ».
Ce projet vise tous les produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, produits cosmétiques, etc…).
Il y aurait 140 associations agréées au niveau national qui pourraient intenter de telles actions, soit dix fois plus qu’actuellement.
Enfin, l’adhésion sera possible entre six mois et trois ans après les mesures de publicité (au lieu des deux à six mois actuellement en vigueur).
Ce projet doit être soumis à l’examen de la commission mixte paritaire.
Par conséquent, les entreprises qui ont des activités en France doivent se préparer à faire face à ce nouveau type d’actions. En particulier, elles doivent réévaluer leur stratégie de gestion des risques et mettre en place les couvertures d’assurance nécessaires pour couvrir les frais de procédure et les indemnisations dans le cas où une action de groupe serait menée à leur encontre et anticiper toutes les conséquences tant en terme de coûts financiers que d’atteintes à leur image.
Laura Ferry, avocat counsel, Reed Smith
Un an après l'introduction des actions de groupe en France, nous aimerions vous proposer l'éclairage de Laura Ferry, avocat counsel du cabinet Reed Smith, sur les conséquences de telles actions pour les entreprises américaines qui exercent en France et les garanties d’assurance à souscrire pour couvrir les nouveaux risques liés à l’adoption des actions de groupe.
- Pour le moment limitée aux demandes liées au droit des consommateurs et au droit de la concurrence, mais appelée à s’étendre à d’autres domaines, le système français d’action de groupe, lancé en octobre 2014, a été conçu comme une amélioration du système américain.
- Critiqué comme source de potentielles incertitudes, le modèle français limite le rôle des avocats et les moyens de défenses par rapport au modèle américain.
- Laura Ferry propose d'analyser le modèle français face au système américain.
Merci de bien vouloir me dire si une interview de Laura Ferry sur ce sujet vous intéresse.