Le cabinet D.S. avocats analyse les pouvoirs de l'administration tels qu’ils résultent de la loi Hamon.
Le 22 janvier 2015, le cabinet D.S. avocats invitait ses clients à une matinée débat consacré aux nouveaux pouvoirs de l'administration tels qu’ils résultent de la loi Hamon.
Mme Cluzel, chef du bureau 3C à la DGCCRF et son adjoint Monsieur Proux, étaient présents et ont répondu aux questions soulevées par ces dispositions
Cette réforme visant à rendre plus rapide et efficace l'intervention de l'administration à tous les stades de l'enquête, permet , sans l'intervention d’aucune autorité judiciaire, de procéder à des injonctions et de les, assortir de sanctions notamment pécuniaires en cas d'inexécution, de mener son enquête et de fixer elle-même les sanctions pouvant atteindre 375 000 € pour les entreprises.
Si on comprend que le législateur ait privilégié cette recherche d'efficacité, encore faut il que cela ne méconnaisse pas les droits des justiciables.
Répondant à cette inquiétude, Mme Cluzel et M Proux ont indiqué que les agents recevaient des formations spécifiques,. Le sentiment est resté persistant que la situation de l’opérateur contrôlé dépendrait plus que jamais de la personnalité du contrôleur.
D'autres points ont été abordés et débattus au cours de cette matinée débat.
Les enquêtes
Des inquiétudes ont été exprimées devant le fait que les garanties de loyauté dans la recherche des preuves n’étaient pas apportées par les textes .Ainsi rien dans les textes ne garantit que l'objet de l'enquête sera indiqué préalablement à toute investigation. et ne sera pas simplement découvert au cours de l’enquête ou dans le procès verbal.
En outre, la disparition, effective depuis le décret du 30 septembre 2014, de l’apposition de la signature de la personne entendue sur le procès verbal de déclaration et de remise de documents empêche celle ci de s'assurer de la bonne transcription des opérations d'investigation sur le procès verbal. Cela est d'autant regrettable que le procès-verbal fait foi jusqu’à preuve contraire. Cette disparition est source de difficultés, surtout si elle est couplée à l'intervention des agents comme « consommateur mystère », qui leur permet de commencer les contrôles sans révéler leur identité.
Les injonctions
L'administration peut délivrer des injonctions de se conformer aux obligations légales de toute nature, même sanctionnées civilement ou pénalement, dans un délai qu'elle fixe elle-même et qualifié de « raisonnable », et de les assortir (sauf exceptions) d'une sanction pécuniaire en cas de non-respect (de 3000 € pour les personnes physiques à 15 000 € pour les personnes morales).
L'injonction peut être de cesser tout agissement illicite ou de supprimer une clause illicite ; sur un plan pratique, ces injonctions peuvent avoir des conséquences importantes sur la vie de l'entreprise.
Il est ressorti des interventions de l’administration que celle-ci conserve un large pouvoir de choisir en opportunité ce qui relèvera de la procédure d’injonction (cas d’une infraction « excusable » ou susceptible d’être corrigée rapidement) et ce qui sera soumis directement aux amendes administratives ou à la saisine du juge civil ou pénal (cas des infractions estimés graves et/ou ayant déjà causé un important préjudice à l’ordre public).
Les nouvelles procédures de sanction.
Ces sanctions administratives peuvent être décidées par l’administration qui a effectué les enquêtes. Elles peuvent être infligées à hauteur de 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale, ( doublée s'il y a réitération dans un délai de deux ans).
Elles s’appliquent notamment à la violation des obligations liées à la signature de la convention unique annuelle entre fournisseurs et distributeurs et en cas de délais de paiement excessifs. L’administration a indiqué que seules les infractions liées au formalisme de ces obligations et à la matérialité des délais de paiement feraient l’objet de ces sanctions, les autres comportements abusifs relevant toujours du juge civil, quand une appréciation de l’équilibre contractuel est en jeu. Cette distinction entre la forme et le fond des pratiques commerciales est difficile à définir, surtout quand le contexte économique est à prendre en considération.
Enfin, quant à la question de la proportionnalité des sanctions au regard de la gravité des pratiques et de l’égalité de traitement de ces entreprises sur territoire, la seule réponse apportée est qu'un relevé des décisions prises sera établi et rendu public.
L’application de la loi dans le temps et dans l’espace
Pour l'application dans le temps, l'administration considère que la loi nouvelle pourra s'appliquer aux situations antérieures à sa publication, dès lors que les sanctions prévues seront plus douces que les dispositions antérieures.
Pour l'application de la loi dans l'espace, la situation semble embarrasser la DGCCRF, qui annonce une note sur la question. Ainsi, alors que la loi est entrée en application dans toutes ses dispositions, le régime applicable aux relations commerciales transfrontalières (notamment aux conventions à passer pour l’année 2015, en cours de négociation), n’est toujours pas précisé.
L’impartialité de la procédure de sanction administrative et l’effectivité des voies de recours.
Le fait que ce soit la même autorité qui procède aux enquêtes, constate des infractions et décide de la sanction pose des questions quant aux garanties du « procès équitable ». La séparation de ces différentes fonctions est pourtant exigée par la Cour européenne des droits de l’homme. L’administration réplique que ce système a été validé par le Conseil d’Etat lors de l’examen du projet de loi. Affaire à suivre.
Quant à l'exécution des sanctions, L'administration a seulement indiqué qu'elle attendrait l'expiration des délais de recours pour émettre son titre de recouvrement, mais pas l'épuisement des voies de recours.
Les interrogations restent donc nombreuses. La présence de l'avocat dès le début de l'enquête est possible et souhaitable pour garantir que l'administration, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation, fera preuve de mesure dans la mise en œuvre de ses nouvelles prérogatives.
DS Avocats
Equipe Concurrence et droit commercial