Les actions de barrage et de blocage des gilets jaunes, qui avaient pour motif l'expression d'un mécontentement et non la réalisation de dommages, peuvent être qualifiés d'attroupement ou de rassemblement au sens de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.
Dans le cadre du mouvement des gilets jaunes, des barrages ont été installés par des manifestants au niveau de deux ronds-points afin de bloquer l'accès à une zone industrielle où se trouve l'usine d'une société.
Cette dernière a demandé au juge administratif de l'indemniser du préjudice résultant de pertes d'exploitation subies du fait de ces blocages.
La cour administrative d'appel de Toulouse, par un arrêt du 7 mars 2023, a rejeté cette demande.
Le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 28 février 2024 (requête n° 473904), annule l'arrêt d'appel.
En vertu de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, l'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens.
En l'espèce, les manifestants ont mis en place des barrages pour filtrer le passage, en interdisant l'accès aux poids-lourds transportant des marchandises ou en l'autorisant seulement pendant une tranche horaire restreinte.
Ces actions, qui se sont prolongées pendant près d'un mois malgré plusieurs interventions des forces de police, s'inscrivaient dans le cadre d'un mouvement national de contestation annoncé plusieurs semaines avant les faits, notamment sur des réseaux sociaux, et qui a conduit à la mise en place de nombreux barrages routiers sur l'ensemble du territoire.
De plus, ces actions avaient pour objet l'expression d'un mécontentement et non pour principal objectif la réalisation de dommages causés à la société requérante.
Par suite, en estimant que les préjudices invoqués par la société ne pouvaient être regardés comme imputables à un attroupement ou à un rassemblement au sens des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
Le Conseil d'Etat annule l'arrêt de la cour administrative d'appel.