Un Etat membre peut-il refuser de délivrer à l’un de ses ressortissants, en plus d’un passeport, une carte d’identité ayant valeur de document de voyage, au seul motif qu’il est domicilié dans un autre Etat membre ?
Un avocat roumain domicilié en France depuis trois ans et exerçant ses activités professionnelles tant en France qu’en Roumanie, a demandé aux autorités roumaines de lui délivrer une carte d'identité en tant que document de voyage lui permettant de se déplacer en France. Cette demande a été rejetée au motif qu’il était domicilié à l’étranger.
Saisie de cette affaire, la Haute Cour de cassation et de justice roumaine a interrogé la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Dans son arrêt rendu le 22 février 2024 (affaire C-491/21), la CJUE juge que le refus de délivrer une carte d’identité au seul motif que la personne concernée n’est pas domiciliée en Roumanie constitue une restriction au droit de circuler et de séjourner librement au sein de l’Union à l’égard des ressortissants roumains domiciliés dans un autre Etat membre.
La législation roumaine établit en effet une différence de traitement entre les citoyens roumains domiciliés en Roumanie, qui peuvent avoir une carte d'identité et un passeport, et les citoyens roumains domiciliés à l’étranger, qui n'ont qu'un passeport pour voyager.
La CJUE précise que si la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 n'oblige pas les Etats membres à émettre deux pièces ayant valeur de documents de voyage pour leurs ressortissants, elle ne leur permet pas de traiter de manière moins favorable ceux ayant exercé leur droit de circuler et de séjourner au sein de l'Union, sans justification basée sur des considérations objectives d'intérêt général.
Une telle législation ne peut être justifiée ni par la nécessité de conférer une valeur probante à l’adresse du domicile indiquée sur la carte d’identité ni par l’efficacité de l’identification et du contrôle de cette adresse par l’administration nationale compétente.