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Directions juridiques : innover en temps d’instabilité

EY Société d’avocats a publié le 9 avril une étude mondiale sur les principales tendances dans les directions juridiques. Réalisée en partenariat avec Oxford Economics sur un panel de 1 000 directeurs juridiques dans 21 pays, ces derniers ont été amenés à répondre à plus de 60 questions sur plusieurs thématiques : organisation, technologie et données, risques et gouvernance, sourcing et talents. Arthur Sauzé, Head of Legal Operations Consulting pour EY Société d’avocats décrypte les résultats.

I. Un contexte de bouleversements nécessitant une transformation des directions juridiques

       A. Un environnement instable, générateur de multiples pressions sur les directions juridiques

Intelligence artificielle, instabilité réglementaire, contexte géopolitique, durabilité : les entreprises font face à des bouleversements constants. Par ailleurs, trois quarts des directrices et directeurs juridiques sondés estiment que ce contexte a des impacts importants sur l’activité et l’organisation de la direction juridique. Dans cet environnement marqué par l’instabilité et face à la croissance des risques juridiques associés, les directions juridiques doivent repenser leur modèle opératoire et être capables de :

  • Suivre et s’adapter aux changements réglementaires à l’international (enjeu prioritaire pour 60 % des sondés)
  • Anticiper et réagir plus rapidement à des risques en constante évolution
  • Être un support plus agile et flexible pour le business

     B. La transformation au cœur des préoccupations des directions juridiques

Ce contexte d’augmentation des risques juridiques se traduit pour 83 % des directeurs juridiques par une hausse attendue des budgets au cours des 12 prochains mois (environ 10 % pour 40 % des sondés). Cependant, cette hausse de budget est insuffisante pour absorber la charge anticipée et doit être perçue davantage comme un budget d’investissement dans le cadre de sa transformation. Il s’agit notamment du coût d’entrée relatif au déploiement des outils et à la gestion du flux de travail pendant la période transitoire.

L’étude met l’accent sur le fait que les directeurs juridiques ont conscience de la nécessité de transformation. À ce titre, 91 % des directeurs juridiques estiment que la digitalisation est un enjeu stratégique. Par ailleurs, les trois quarts des directeurs juridiques affirment élaborer un plan stratégique annuel et indiquent vouloir réévaluer leur stratégie de sourcing, dans les murs et hors les murs. Aussi, de nombreux chantiers technologiques ont été initiés, les plus importants étant la revue automatisée des factures et la génération documentaire. Force est de constater que la réflexion sur l’ajustement de leur nouveau modèle opératoire est au cœur des préoccupations des directions juridiques afin de s’adapter au contexte instable. En revanche, cette transformation passe en premier lieu par le contrôle des coûts pour 63% des répondants.

II. Une transformation qui tarde à s’ancrer dans la réalité quotidienne des directions juridiques

     A. Une inadéquation entre les ambitions et les actions

Si les juristes sont très compétents pour la réflexion et la planification, l’étude fait état de difficultés dans l’exécution. Ainsi, en dépit de leurs objectifs stratégiques, moins d’un quart des directions juridiques admettent avoir revu leur stratégie de sourcing et évalué leurs coûts. Pareillement, moins de la moitié des directions juridiques ont formalisé des objectifs clairs dans le cadre de leur plan stratégique annuel. Enfin, la majorité des Directions juridiques admettent ne pas allouer de ressource en interne afin d’apporter un support sur la bonne utilisation des outils technologiques. Les directions juridiques peinent donc à s’extraire du flux de travail journalier et croissant afin de faire les ajustements nécessaires pour leur transformation.

Par ailleurs, il ressort de l’étude que les directions juridiques manquent de maturité sur les projets de digitalisation. D’une part, elles s’intègrent trop tard dans la planification budgétaire des systèmes d’information. D’autre part, les projets de digitalisation sont souvent menés en silo, sans le concours de la direction des achats ou de la direction commerciale. Dès lors, les directions juridiques se retrouvent face à des difficultés pour débloquer les budgets nécessaires (notamment pour des outils utilisant l’IA, de plus en plus coûteux) et estiment qu’il s’agit du premier frein à la digitalisation. En conséquence, la direction juridique doit monter en maturité sur les sujets liés aux systèmes d’information, se professionnaliser et être moins isolée sur ce type de projets.

     B. Une difficulté persistante des directions juridiques à organiser, fiabiliser et structurer leurs données

La question des données est clé pour tout projet de transformation et est historiquement le parent pauvre des directions juridiques. Or, l’étude montre clairement que ce sujet remonte à la surface et constitue un frein majeur à la transformation des fonctions juridiques. Tout d’abord, les directrices et directeurs juridiques consentent avoir très peu de données sur l’activité et les coûts de leur département. Cela rend évidemment difficile l’évaluation de l’existant et la comparaison de leur organisation avec celle de leurs pairs. Aussi, faute de données de départ, il est presque impossible pour les directions juridiques de justifier d’un retour sur investissement objectif dans l’acquisition d’un outil (frein pour 39 % des répondants), ce qui limite leur capacité à obtenir les budgets nécessaires.

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Par ailleurs, bénéficier de données structurées, fiables et organisées est un critère essentiel pour utiliser pleinement le potentiel des outils. Le succès de la mise en place d’outils d’intelligence artificielle dépend en grande partie de la qualité des données qui sont intégrées. Or, la moitié des directrices et directeurs juridiques estiment que la désorganisation de leurs données (souvent stockées dans des endroits différents), le manque de fiabilité des données et la mauvaise intégration entre les plateformes juridiques et commerciales sont des freins importants à la transformation. Cette situation limite la pertinence des outils et donc le potentiel d’adhésion des juristes, ce qui réduit par extension le retour sur investissement espéré. En conséquence, un travail préalable sur la qualité des données du département juridique paraît indispensable afin d’envisager une réelle réflexion sur la digitalisation et est prioritaire pour 75% des répondants.

En conclusion, même si la digitalisation des directions juridiques n’est pas encore pleinement effective, tout laisse à penser que cela sera bientôt le cas. Les directions juridiques expérimentent, testent des cas d’usage, se heurtent à des difficultés et apprennent rapidement.

Après les premiers succès et échecs des pionniers, nous entrons dans une phase de remise en question des outils actuels et de pivot dans la stratégie de digitalisation, reposant sur des bases plus solides.

Arthur Sauzé, Head of Legal Operations Consulting pour EY Société d’avocats

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