Antoine Semeria, avocat spécialisé en droit du sport, analyse en quoi la rétrogradation du Club d'Agen justifiait la rupture de promesse d'embauche d'un joueur.
Avant de s’engager avec le Stade Français en 2007, Mathieu Bastareaud évoluait en Fédérale 1 au sein du Club de Massy (RCME). Dans le courant de l’année 2006, le club d’Agen (SUA) s’était déclaré intéressé pour s’attacher les services du joueur la saison suivante.
Une convention tripartite avait été signée entre le club essonnien, le SUA et le joueur le 8 mars 2006 par laquelle le joueur s’engageait à signer avec le club agenais un contrat de travail type LNR de joueur de rugby professionnel pour les deux saisons sportives pour évoluer en TOP 14.
Par suite, Monsieur Bastareaud avait signé un pré-contrat de travail en février 2007 aux termes duquel il était engagé par le Club agenais à compter du 1er juillet 2007. Le contrat prévoyait une clause pénale si l’une des parties ne ratifiait pas, pour une raison quelconque, un contrat de travail répondant au formalisme de la LNR dans les trente premiers jours de la période officielle des mutations, soit avant le 5 juin 2007.
A l’issue de la saison 2006/2007, le SUA a été sportivement rétrogradée, ce qui a incité le joueur à ne pas donner suite à la proposition d’embauche par courrier du 28 mai 2007.
Considérant que le joueur avait abusivement rompu sa promesse d’embauche, le club agenais saisissait le Conseil de Prud’hommes d’Agen pour obtenir le paiement de dommages intérêts d’un montant de 75.000 €.
Par jugement en date du 4 mai 2010, la Conseil de Prud’hommes déboutait le Club de toutes ses prétentions.
Le club lot et garonnais décidait alors de relever appel dudit jugement.
Par un arrêt rendu le 14 décembre dernier, la Cour d’Appel a confirmé le jugement entrepris pour les motifs ci-après relatés. La Cour constate tout d’abord que les parties avaient convenu de ratifier le contrat du 28 février 2007 par la signature d’un contrat LNR avant le 5 juin 2007. Elle rappelle ensuite que la validité de tout contrat de travail conclu entre un joueur et un club est soumise à une double condition :
- d’une part le contrat doit être signé pendant la période officielle des mutations définies par la LNR ;
- d’autre part, il doit être homologué par cette dernière.
En l’espèce, les parties avaient formalisé leur engagement réciproques au terme d’un pré-contrat qui devait par suite être ratifié puis homologué par la LNR. Avant l’arrivée de l’échéance, le joueur avait résilié ladite promesse, si bien que le fait que ce contrat n’ait pas été homologué n’avait pas d’effet sur sa validité. La clause pénale était par conséquent également régulière.
En revanche, la Cour va constater à la lumière du contrat tripartite signé en mars 2006 par le RCME, le SUA et Mathieu Bastareaud que le joueur avait entendu soumettre une condition suspensive à la signature de son contrat avec son futur club, consistant en sa participation au championnat du Top 14.
Ainsi, la Cour va en déduire que le fait que le Club d’Agen soit en Top 14 était une condition de la signature de cette convention.
Cette condition n’étant pas remplie en l’espèce puisque le club s’est vu rétrogradé en Pro D2, le joueur était, selon la Cour, bien fondé à rompre le contrat du 28 février 2007.
Dès lors, la clause pénale n’avait pas vocation à s’appliquer. Le jugement rendu par le CPH d’Agen est par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.
Antoine SEMERIA
Avocat à la COUR