Messages d’avertissement donnés par l’Autorité de la Concurrence

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Aurélie Dantzikian et Manon Pourcher - Avocates - Lexel Avocats AssociésAurélie Dantzikian et Manon Pourcher, avocates du département Droit des Affaires de Lamy Lexel Avocats Associés, spécialisées en matière de Contrats/Concurrence/Distribution, ont co-rédigé un article technique portant sur les messages d’avertissement délivrés par l’Autorité de la Concurrence, à destination des entreprises de la distribution alimentaire et des commerces de proximité.

 

Par sa décision d’auto-saisine, l’Autorité de la Concurrence avait indiqué début 2010 qu’elle souhaitait appréhender les éventuels obstacles à la concurrence que représentaient, dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire, les contrats d’affiliation et de franchise, d’une part, et les modalités de gestion du foncier commercial, d’autre part.

C’est chose faite.

Aux termes d’un avis rendu le 7 décembre 2010, l’Autorité de la Concurrence présente le degré de concentration des zones de chalandises et les barrières à l’entrée qu’elle a constatées (1) avant de recenser respectivement les pratiques en matière de gestion du foncier commercial (2) et des contrats d’affiliation aux groupes de distribution (3) et de formuler des préconisations précises à leur égard.

Ces préconisations n’ont, certes, qu’une valeur consultative, mais elles donnent une indication très claire du sens dans lequel l’Autorité de la Concurrence serait amenée à statuer en cas de contentieux qui lui serait soumis (4).

1. Degré de concentration dans les zones de chalandise et barrières à l’entrée


1.1.    Analyse du degré de concentration

Tant les études UFC-Que choisir et Asterop que les statistiques établies à partir du catalogue LSA Focus Alimentaire et des données fournies par les opérateurs aboutissent à la conclusion d’un degré de concentration élevé du secteur de la distribution alimentaire.

Les bases de données constituées lors de l’instruction de l’avis ont permis d’étayer le constat d’un degré de concentration élevé des zones de chalandise tout en le rendant cohérent avec les méthodologies traditionnellement employées en droit de la concurrence et en l’étendant aux formats des commerces de proximité et des supermarchés.

Plus précisément, l’avis constate que la proportion de zones de chalandise susceptibles d’être dominées par un seul opérateur est vraisemblablement inférieure à 10%, voire à 5%, sur le format des supermarchés.
En revanche, le degré de concentration significativement élevé des zones de chalandise est confirmé, notamment dans le cas des hypermarchés et des commerces de proximité.

Le cas de Paris apparaît comme étant particulièrement frappant à cet égard, puisqu’un opérateur (le groupe Casino) y détient, soit par le biais de magasins intégrés, soit par le biais de magasins affiliés, plus de 60% de parts de marché en surface de vente, son suiveur immédiat en détenant moins de 20% (le groupe Carrefour).

Le degré de concentration élevé de certaines zones de chalandise découle pour partie de la moindre demande qui peut, fréquemment, y être constatée, mais pas seulement. Il provient également du fait que, dans une proportion très significative de zones de chalandise, les groupes de distribution détiennent ou affilient plus d’un magasin.


1.2.    Existence de barrières à l’entrée

L’avis relève plusieurs typologies de barrières susceptibles de freiner un projet d’implantation ou de développement, notamment :
-    des barrières  administratives et réglementaires (demandes d’autorisation d’implantation pour les surfaces supérieures à 1 000m², recours sur ces autorisations ou sur les permis de construire),
-    des barrières  liées au foncier commercial (détention de foncier inexploité, caractère restrictif en périphérie des plans locaux d’urbanisme, rareté en centre-ville des immeubles disposant de la surface nécessaire et concurrence avec des sociétés d’autres secteurs pour les obtenir),
-    des barrières liées à l’étanchéité des différents réseaux de distribution alimentaire qui résultent tant de la relation de quasi-exclusivité entre les groupes de distribution et leurs affiliés (présence d’obligations de non concurrence, d’un approvisionnement quasi exclusif auprès des centrales d’achat de leurs têtes de réseau contraignant tout nouvel opérateur d’ouvrir ses propres magasins pour commercialiser ses produits) que de la faible mobilité des magasins indépendants entre enseignes concurrentes,
-    d’autres barrières, telles que la notoriété de l’enseigne ou les coûts logistiques, qui imposent d’avoir plusieurs magasins par zone pour les rentabiliser.

2. Analyse concurrentielle des pratiques constatées concernant les modalités de gestion du foncier commercial et recommandations en découlant

Concernant les pratiques en matière de gestion du foncier commercial, l’Autorité de la Concurrence en a retenu deux.

La première est la détention de foncier inexploité.

En effet, lors de leurs auditions, plusieurs opérateurs ont indiqué avoir été empêchés d’entrer sur certaines zones commerciales du fait de pratiques consistant, pour les concurrents déjà présents, à détenir du foncier inexploité.

La seconde est la présence de clauses d’exclusivité dans les contrats de vente et d’achat de foncier commercial.

Les groupes de distribution ont ainsi été interrogés sur les clauses de non-concurrence susceptibles de figurer dans leurs contrats d’achat ou de vente de foncier. Ces clauses interdisent notamment au cocontractant du groupe de distribution d’exercer une activité de commerce alimentaire sur le terrain vendu et/ou sur les terrains à proximité du terrain vendu dont il demeure propriétaire pendant des durées (pour les clauses comportant une limitation de durée) qui peuvent aller jusqu’à 50 ans !

Elles peuvent également avoir pour objet d’octroyer un droit de priorité au profit des groupes de distribution pendant des durées similaires.

Or, il a été relevé que la rareté du foncier commercial constituait une barrière à l’entrée mentionnée par la quasi-totalité des opérateurs du secteur.

Dans ce contexte, toute stratégie mise en œuvre par un opérateur déjà implanté sur une zone et visant à limiter encore l’accès des distributeurs au foncier commercial pourrait constituer une barrière supplémentaire à l’entrée et ne saurait, selon l’Autorité de la concurrence, être valablement justifiée.

L’Autorité de la Concurrence recommande ainsi de supprimer purement et simplement les clauses de non-concurrence et les droits de priorité présents dans les contrats de vente et d’acquisition de foncier commercial présents et à venir.


3. Analyse concurrentielle des pratiques constatées dans les relations d’affiliation entre les commerçants affiliés et les groupes de distribution, et recommandations en découlant

L’Autorité de la Concurrence relève que la faible mobilité des magasins affiliés entre les réseaux de distribution concurrents est pour partie due aux pratiques contractuelles (3.1) et capitalistiques (3.2) mises en œuvre par les différents groupes de distribution.

3.1. Dispositifs contractuels

Les relations entre les affiliés et les groupes de distribution sont souvent formalisées par divers documents contractuels (contrat de franchise, contrat d’enseigne, contrat d’approvisionnement, contrat de licence de marque, contrat de location-gérance, statuts, pactes d’associés, règlement intérieur, etc.).

Selon l’Autorité de la Concurrence, ces relations présentent, pour la plupart, plusieurs dispositifs qui ont pour objet et/ou pour effet de dissuader l’affilié de sortir du réseau, à savoir :

-    la durée longue des engagements souscrits comprise entre 3 et 30 ans,
-    la multiplicité des contrats et le décalage de leurs échéances, la rupture de l’un n’entrainant pas automatiquement celle des autres,
-    des droits d’entrée à paiement différé, notamment au jour où le contrat prend fin,
-    des clauses de non-réaffiliation et de non concurrence post-contractuelles qui ne sont ni indispensables à la protection du savoir-faire, ni limitées aux locaux à partir desquels l’affilié a exercé ses activités pendant la durée du contrat, ni limitées à une durée d’un an à compter de l’expiration de l’accord,
-    un droit de priorité (droit de préemption ou droit de préférence) consenti au profit des groupes de distribution en cas de vente des magasins exploités par leurs affiliés.

Sur la base des constats susvisés, l’Autorité de la Concurrence formule donc des recommandations qui, selon elle, permettraient d’améliorer la fluidité des réseaux de distribution, d’une part en permettant aux magasins indépendants de choisir de façon libre et éclairée le groupe de distribution auquel ils décident de s’affilier (a), et d’autre part en limitant la durée des engagements souscrits (b) et, enfin, en facilitant les conditions de sortie du réseau ainsi que ses conséquences (c).

Concrètement, ses recommandations sont les suivantes :

-    (a) formalisation de l’ensemble des termes de la relation avec l’affilié au sein d’un accord cadre unique, limitant ainsi la présence de clauses contradictoires (complété, le cas échéant, de contrats d’application), communication de cet accord cadre unique le plus en amont possible des pourparlers (avant que le candidat n’ait trop investi en temps et humainement dans ce projet d’affiliation) et renforcement de l’information précontractuelle à l’attention du candidat à l’affiliation, en l’élargissant aux contrats autres que de franchise et à toute clause restreignant la liberté de l’affilié lors de la rupture ou de l’échéance de la relation contractuelle,

-    (b) limitation de la durée des engagements à 5 ans conformément au règlement n°330/2010 de la Commission et harmonisation de la durée et des modalités de résiliation de l’ensemble des contrats constitutifs d’une même relation,

-    (c) facilitation des conditions de sortie du réseau par une interdiction des droits de priorité au profit des têtes de réseau, par une limitation à un an et au magasin objet du contrat des clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence post-contractuelles conformément au règlement n°330/2010 susvisé et par un étalement du paiement des droits d’entrée en lieu et place de leur paiement différé.

3.2.    Dispositifs capitalistiques

Les groupes de distribution prennent, de plus en plus fréquemment, des participations minoritaires dans le capital des sociétés d’exploitation de leurs affiliés leur conférant une minorité de blocage (prises de participations « verticales »).

L’Autorité a été amenée à analyser certaines de ces prises de participations dans le cadre du contrôle des opérations de concentration.
Toutefois, d’autres ne l’ont pas été en raison d’une absence de franchissement des seuils de notification applicables.

Par ailleurs, a également été constatée l’existence de prises de participations « horizontales », c'est-à-dire d’un ou plusieurs adhérents dans la société d’exploitation d’un autre adhérent.

Or, à la différence des participations verticales, les participations horizontales au sein des groupements coopératifs n’ont jusqu’à présent jamais donné lieu à notification au titre du contrôle des concentrations, les chiffres d’affaires pris en compte étant ceux des adhérents parties à l’opération et non celui du groupement coopératif pris dans sa globalité.

Ainsi, ne pouvant intervenir systématiquement au stade de la prise de participation, il se révèle nécessaire, selon l’Autorité de la Concurrence, de limiter l’effet de verrouillage produit par ces pratiques.

En conséquence, elle recommande d’encadrer les prises de participations des groupes de distribution au capital des sociétés d’exploitation de leurs magasins affiliés en interdisant notamment les clauses d’enseigne dans les statuts et pactes d’associés des sociétés d’exploitation qui confèrent un droit de veto au groupe de distribution sur toute décision relative au changement d’enseigne du magasin en cause à l’arrivée à terme du contrat.

4.  Valeur juridique de ces recommandations

S’étant saisie d’office pour avis, l’Autorité de la Concurrence rappelle qu’elle ne peut, dans ce cadre consultatif, qualifier les pratiques constatées au regard du droit de la concurrence.

En effet, seule la mise en œuvre de procédures pleinement contradictoires lui permettrait de porter une telle appréciation.

Or, de telles procédures engendreraient des délais importants ainsi qu’une grande insécurité juridique pour les opérateurs dépendant, d’une part de l’analyse des parts de marché qui serait retenue au niveau des zones de chalandise, et d’autre part de l’évaluation qui serait faite de l’effet cumulatif causé par un ensemble de contrats similaires.

Dans ces conditions, l’Autorité de la Concurrence préfère, à ce jour, laisser la mise en œuvre de ses recommandations dans les mains des opérateurs économiques concernés, notamment des groupes de distribution, qui ont le pouvoir de modifier leurs contrats dans le sens préconisé par l’avis.

À défaut de mise en œuvre « volontaire », seule une intervention du législateur permettrait de supprimer les freins à la concurrence identifiés par l’Autorité de la Concurrence.

Toutefois, dans l’immédiat, elle rappelle qu’elle exercera sa vigilance sur l’application de cet avis, notamment en cas de saisine d’un opérateur souhaitant faciliter l’implantation de nouveaux magasins ou l’adhésion à une enseigne concurrente.

Récemment, dans une décision n° 10-D-38 du 22 décembre 2010 relative à une demande de mesures conservatoires concernant des pratiques mises en œuvre par la société PagesJaunes SA, l’Autorité de la Concurrence n’a pas manqué l’occasion de souligner qu’elle n’hésitait pas à reprendre l’analyse qu’elle avait préalablement menée dans le cadre de l’un de ses avis sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne pour conclure à la possibilité d'une position dominante de PagesJaunes sur le marché des annuaires en ligne ou imprimés.

À ce titre, il est utile de rappeler que tout comportement susceptible d’être qualifié de pratique anticoncurrentielle par l’Autorité de la Concurrence expose son auteur à une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires mondial hors taxes et à la nullité de la ou des clause(s) concernée(s).

Sans doute serait-il donc préférable de suivre la maxime selon laquelle une entreprise avertie, en vaut deux !

Par sa décision d’auto-saisine, l’Autorité de la Concurrence avait indiqué début 2010 qu’elle souhaitait appréhender les éventuels obstacles à la concurrence que représentaient, dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire, les contrats d’affiliation et de franchise, d’une part, et les modalités de gestion du foncier commercial, d’autre part.

 

C’est chose faite.

 

Aux termes d’un avis rendu le 7 décembre 2010, l’Autorité de la Concurrence présente le degré de concentration des zones de chalandises et les barrières à l’entrée qu’elle a constatées (1) avant de recenser respectivement les pratiques en matière de gestion du foncier commercial (2) et des contrats d’affiliation aux groupes de distribution (3) et de formuler des préconisations précises à leur égard.

 

Ces préconisations n’ont, certes, qu’une valeur consultative, mais elles donnent une indication très claire du sens dans lequel l’Autorité de la Concurrence serait amenée à statuer en cas de contentieux qui lui serait soumis (4).

 

 


 

 

1. Degré de concentration dans les zones de chalandise et barrières à l’entrée 

 

1.1.            Analyse du degré de concentration

 

Tant les études UFC-Que choisir et Asterop que les statistiques établies à partir du catalogue LSA Focus Alimentaire et des données fournies par les opérateurs aboutissent à la conclusion d’un degré de concentration élevé du secteur de la distribution alimentaire.

 

Les bases de données constituées lors de l’instruction de l’avis ont permis d’étayer le constat d’un degré de concentration élevé des zones de chalandise tout en le rendant cohérent avec les méthodologies traditionnellement employées en droit de la concurrence et en l’étendant aux formats des commerces de proximité et des supermarchés.

 

Plus précisément, l’avis constate que la proportion de zones de chalandise susceptibles d’être dominées par un seul opérateur est vraisemblablement inférieure à 10%, voire à 5%, sur le format des supermarchés.

En revanche, le degré de concentration significativement élevé des zones de chalandise est confirmé, notamment dans le cas des hypermarchés et des commerces de proximité.

 

Le cas de Paris apparaît comme étant particulièrement frappant à cet égard, puisqu’un opérateur (le groupe Casino) y détient, soit par le biais de magasins intégrés, soit par le biais de magasins affiliés, plus de 60% de parts de marché en surface de vente, son suiveur immédiat en détenant moins de 20% (le groupe Carrefour).

 

Le degré de concentration élevé de certaines zones de chalandise découle pour partie de la moindre demande qui peut, fréquemment, y être constatée, mais pas seulement. Il provient également du fait que, dans une proportion très significative de zones de chalandise, les groupes de distribution détiennent ou affilient plus d’un magasin.

 

 

1.2.            Existence de barrières à l’entrée

 

L’avis relève plusieurs typologies de barrières susceptibles de freiner un projet d’implantation ou de développement, notamment :

-          des barrières  administratives et réglementaires (demandes d’autorisation d’implantation pour les surfaces supérieures à 1 000m², recours sur ces autorisations ou sur les permis de construire),

-          des barrières  liées au foncier commercial (détention de foncier inexploité, caractère restrictif en périphérie des plans locaux d’urbanisme, rareté en centre-ville des immeubles disposant de la surface nécessaire et concurrence avec des sociétés d’autres secteurs pour les obtenir),

-          des barrières liées à l’étanchéité des différents réseaux de distribution alimentaire qui résultent tant de la relation de quasi-exclusivité entre les groupes de distribution et leurs affiliés (présence d’obligations de non concurrence, d’un approvisionnement quasi exclusif auprès des centrales d’achat de leurs têtes de réseau contraignant tout nouvel opérateur d’ouvrir ses propres magasins pour commercialiser ses produits) que de la faible mobilité des magasins indépendants entre enseignes concurrentes, 

-          d’autres barrières, telles que la notoriété de l’enseigne ou les coûts logistiques, qui imposent d’avoir plusieurs magasins par zone pour les rentabiliser. 

 

 

2. Analyse concurrentielle des pratiques constatées concernant les modalités de gestion du foncier commercial et recommandations en découlant

 

Concernant les pratiques en matière de gestion du foncier commercial, l’Autorité de la Concurrence en a retenu deux.

 

La première est la détention de foncier inexploité.

 

En effet, lors de leurs auditions, plusieurs opérateurs ont indiqué avoir été empêchés d’entrer sur certaines zones commerciales du fait de pratiques consistant, pour les concurrents déjà présents, à détenir du foncier inexploité.

 

La seconde est la présence de clauses d’exclusivité dans les contrats de vente et d’achat de foncier commercial. 

 

Les groupes de distribution ont ainsi été interrogés sur les clauses de non-concurrence susceptibles de figurer dans leurs contrats d’achat ou de vente de foncier. Ces clauses interdisent notamment au cocontractant du groupe de distribution d’exercer une activité de commerce alimentaire sur le terrain vendu et/ou sur les terrains à proximité du terrain vendu dont il demeure propriétaire pendant des durées (pour les clauses comportant une limitation de durée) qui peuvent aller jusqu’à 50 ans !

 

Elles peuvent également avoir pour objet d’octroyer un droit de priorité au profit des groupes de distribution pendant des durées similaires. 

 

Or, il a été relevé que la rareté du foncier commercial constituait une barrière à l’entrée mentionnée par la quasi-totalité des opérateurs du secteur.

 

Dans ce contexte, toute stratégie mise en œuvre par un opérateur déjà implanté sur une zone et visant à limiter encore l’accès des distributeurs au foncier commercial pourrait constituer une barrière supplémentaire à l’entrée et ne saurait, selon l’Autorité de la concurrence, être valablement justifiée.

 

L’Autorité de la Concurrence recommande ainsi de supprimer purement et simplement les clauses de non-concurrence et les droits de priorité présents dans les contrats de vente et d’acquisition de foncier commercial présents et à venir.

 


 

 

3. Analyse concurrentielle des pratiques constatées dans les relations d’affiliation entre les commerçants affiliés et les groupes de distribution, et recommandations en découlant

 

L’Autorité de la Concurrence relève que la faible mobilité des magasins affiliés entre les réseaux de distribution concurrents est pour partie due aux pratiques contractuelles (3.1) et capitalistiques (3.2) mises en œuvre par les différents groupes de distribution.

 

3.1. Dispositifs contractuels

 

Les relations entre les affiliés et les groupes de distribution sont souvent formalisées par divers documents contractuels (contrat de franchise, contrat d’enseigne, contrat d’approvisionnement, contrat de licence de marque, contrat de location-gérance, statuts, pactes d’associés, règlement intérieur, etc.).

 

Selon l’Autorité de la Concurrence, ces relations présentent, pour la plupart, plusieurs dispositifs qui ont pour objet et/ou pour effet de dissuader l’affilié de sortir du réseau, à savoir :

 

-          la durée longue des engagements souscrits comprise entre 3 et 30 ans,  

-          la multiplicité des contrats et le décalage de leurs échéances, la rupture de l’un n’entrainant pas automatiquement celle des autres,

-          des droits d’entrée à paiement différé, notamment au jour où le contrat prend fin,

-          des clauses de non-réaffiliation et de non concurrence post-contractuelles qui ne sont ni indispensables à la protection du savoir-faire, ni limitées aux locaux à partir desquels l’affilié a exercé ses activités pendant la durée du contrat, ni limitées à une durée d’un an à compter de l’expiration de l’accord,

-          un droit de priorité (droit de préemption ou droit de préférence) consenti au profit des groupes de distribution en cas de vente des magasins exploités par leurs affiliés.

 

Sur la base des constats susvisés, l’Autorité de la Concurrence formule donc des recommandations qui, selon elle, permettraient d’améliorer la fluidité des réseaux de distribution, d’une part en permettant aux magasins indépendants de choisir de façon libre et éclairée le groupe de distribution auquel ils décident de s’affilier (a), et d’autre part en limitant la durée des engagements souscrits (b) et, enfin, en facilitant les conditions de sortie du réseau ainsi que ses conséquences (c).

 

Concrètement, ses recommandations sont les suivantes :

 

-          (a) formalisation de l’ensemble des termes de la relation avec l’affilié au sein d’un accord cadre unique, limitant ainsi la présence de clauses contradictoires (complété, le cas échéant, de contrats d’application), communication de cet accord cadre unique le plus en amont possible des pourparlers (avant que le candidat n’ait trop investi en temps et humainement dans ce projet d’affiliation) et renforcement de l’information précontractuelle à l’attention du candidat à l’affiliation, en l’élargissant aux contrats autres que de franchise et à toute clause restreignant la liberté de l’affilié lors de la rupture ou de l’échéance de la relation contractuelle,

 

-          (b) limitation de la durée des engagements à 5 ans conformément au règlement n°330/2010 de la Commission et harmonisation de la durée et des modalités de résiliation de l’ensemble des contrats constitutifs d’une même relation, 

 

-          (c) facilitation des conditions de sortie du réseau par une interdiction des droits de priorité au profit des têtes de réseau, par une limitation à un an et au magasin objet du contrat des clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence post-contractuelles conformément au règlement n°330/2010 susvisé et par un étalement du paiement des droits d’entrée en lieu et place de leur paiement différé.

 

3.2.            Dispositifs capitalistiques

 

Les groupes de distribution prennent, de plus en plus fréquemment, des participations minoritaires dans le capital des sociétés d’exploitation de leurs affiliés leur conférant une minorité de blocage (prises de participations « verticales »).

 

L’Autorité a été amenée à analyser certaines de ces prises de participations dans le cadre du contrôle des opérations de concentration.

Toutefois, d’autres ne l’ont pas été en raison d’une absence de franchissement des seuils de notification applicables.

 

Par ailleurs, a également été constatée l’existence de prises de participations « horizontales », c'est-à-dire d’un ou plusieurs adhérents dans la société d’exploitation d’un autre adhérent.

 

Or, à la différence des participations verticales, les participations horizontales au sein des groupements coopératifs n’ont jusqu’à présent jamais donné lieu à notification au titre du contrôle des concentrations, les chiffres d’affaires pris en compte étant ceux des adhérents parties à l’opération et non celui du groupement coopératif pris dans sa globalité.

 

Ainsi, ne pouvant intervenir systématiquement au stade de la prise de participation, il se révèle nécessaire, selon l’Autorité de la Concurrence, de limiter l’effet de verrouillage produit par ces pratiques.

 

En conséquence, elle recommande d’encadrer les prises de participations des groupes de distribution au capital des sociétés d’exploitation de leurs magasins affiliés en interdisant notamment les clauses d’enseigne dans les statuts et pactes d’associés des sociétés d’exploitation qui confèrent un droit de veto au groupe de distribution sur toute décision relative au changement d’enseigne du magasin en cause à l’arrivée à terme du contrat.

 

 


 

4.  Valeur juridique de ces recommandations

 

S’étant saisie d’office pour avis, l’Autorité de la Concurrence rappelle qu’elle ne peut, dans ce cadre consultatif, qualifier les pratiques constatées au regard du droit de la concurrence.

 

En effet, seule la mise en œuvre de procédures pleinement contradictoires lui permettrait de porter une telle appréciation.

 

Or, de telles procédures engendreraient des délais importants ainsi qu’une grande insécurité juridique pour les opérateurs dépendant, d’une part de l’analyse des parts de marché qui serait retenue au niveau des zones de chalandise, et d’autre part de l’évaluation qui serait faite de l’effet cumulatif causé par un ensemble de contrats similaires.

 

Dans ces conditions, l’Autorité de la Concurrence préfère, à ce jour, laisser la mise en œuvre de ses recommandations dans les mains des opérateurs économiques concernés, notamment des groupes de distribution, qui ont le pouvoir de modifier leurs contrats dans le sens préconisé par l’avis.

 

À défaut de mise en œuvre « volontaire », seule une intervention du législateur permettrait de supprimer les freins à la concurrence identifiés par l’Autorité de la Concurrence.

 

Toutefois, dans l’immédiat, elle rappelle qu’elle exercera sa vigilance sur l’application de cet avis, notamment en cas de saisine d’un opérateur souhaitant faciliter l’implantation de nouveaux magasins ou l’adhésion à une enseigne concurrente.

 

Récemment, dans une décision n° 10-D-38 du 22 décembre 2010 relative à une demande de mesures conservatoires concernant des pratiques mises en œuvre par la société PagesJaunes SA, l’Autorité de la Concurrence n’a pas manqué l’occasion de souligner qu’elle n’hésitait pas à reprendre l’analyse qu’elle avait préalablement menée dans le cadre de l’un de ses avis sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne pour conclure à la possibilité d'une position dominante de PagesJaunes sur le marché des annuaires en ligne ou imprimés.

 

À ce titre, il est utile de rappeler que tout comportement susceptible d’être qualifié de pratique anticoncurrentielle par l’Autorité de la Concurrence expose son auteur à une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires mondial hors taxes et à la nullité de la ou des clause(s) concernée(s).

 

Sans doute serait-il donc préférable de suivre la maxime selon laquelle une entreprise avertie, en vaut deux !


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