Peut caractériser un trouble manifestement illicite justifiant une action en référé la diffusion d'une vidéo, tournée à l'intérieur de locaux d'une entreprise sans son autorisation, peu important qu'elle l'ait été ou non au cours d'une intrusion et que son auteur soit ou non identifié.
Une association ayant pour but la protection des animaux a mis en ligne, sur son site internet, une vidéo tournée, sans autorisation, dans les locaux d'une société d'élevage de poules.
Cette dernière a assigné en référé l'association afin d'obtenir le retrait de la vidéo, l'interdiction de son utilisation et une provision à valoir sur la réparation de son préjudice. L'association a opposé la nullité de cette assignation.
Pour dire n'y avoir lieu à référé, la cour d'appel d'Amiens a retenu qu'il n'était produit aucun élément permettant d'établir, avec l'évidence requise en référé, la preuve que les membres de l'association s'étaient introduits de façon illicite dans les locaux de la société et qu'ils avaient violé le droit de propriété de cette dernière, ni que les règles sanitaires applicables à cette exploitation n'avaient pas été respectées à l'occasion du tournage de la vidéo. Pour les juges du fond, le fait qu'elle ait été tournée à l'intérieur de ces locaux, sans autorisation, ne pouvait en soi constituer la preuve du trouble manifestement illicite invoqué, tiré de la violation du droit de propriété et des règles sanitaires, dès lors que la vidéo avait pu être réalisée par une personne habilitée à pénétrer dans les lieux.
Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation dans un arrêt du 10 juillet 2024 (pourvoi n° 22-23.247).
La Haute juridiction judiciaire rappelle qu'il résulte des articles 544 du code civil et 835, alinéa 1, du code de procédure civile qu'un propriétaire peut s'opposer à la diffusion, par un tiers, d'une vidéo réalisée sur sa propriété, y compris par la voie d'une action en référé lorsque cette diffusion lui cause un trouble manifestement illicite.
Or, peut caractériser un tel trouble la diffusion d'une vidéo, tournée à l'intérieur de ses locaux sans son autorisation, peu important qu'elle l'ait été ou non au cours d'une intrusion et que son auteur soit ou non identifié.