20 propositions pour renforcer l'attractivité de la place juridique de Paris

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Noëlle Le Noir, avocate et Xavier Lépine, Président, Paris Île de France Capitale Économique ont dévoilé les 20 propositions de Paris Île de France Capitale Économique pour renforcer l'attractivité du Grand Paris, comme place de droit en Europe et dans le monde.

Organisé par Paris-Île de France Capitale Économique, le Forum de la place juridique de Paris s’est tenu ce vendredi 16 décembre à la Chambre de Commerce et d’Industrie Paris Île-de-France.

Une reponsabilité de l'État, du législateur, des juristes et des acteurs économiques

Jean-Denis Combrexelle, directeur de cabinet du ministre de la Justice

En introduction, Jean Denis-Combrexelle, directeur du cabinet du ministre de la Justice, a affirmé que « la force économique et social d’un pays est liée à la question d’attractivité du droit qui va bien au-delà du cercle des initiés ». Selon lui, quatre conditions sont nécessaires : la qualité du droit et la sécurité juridique, la qualité du système juridictionnel (les délais notamment), l’ouverture aux autres systèmes juridiques (la nécessaire formation des juristes) et un droit agile et adaptable (importance des modes de règlement amiable des litiges). « La question de qualité du droit et de la sécurité juridique relève bien sûr de la responsabilité de l’État, du législateur, des administrations, mais aussi des entreprises. Les entreprises, les avocats contribuent à la complexité du droit. C’est l’ensemble des acteurs économiques et étatiques qui sont concernés » a-t-il souligné.

Ce forum est l’aboutissement d’une réflexion collective ayant réuni les spécialistes de la place dont les contributions ont été rassemblées dans un ouvrage dirigé par Noëlle Lenoir, avocate, membre honoraire du Conseil constitutionnel et ancienne ministre, qui a été rendu public à cette occasion : « Le droit comme facteur d’attractivité. Les atouts de la place juridique de Paris à l’échelle mondiale » (Éditions Larcier). Cet ouvrage a l’ambition de démontrer que Paris est une des places juridiques les plus complètes au monde.

20 propositions isssues d'une réflexion collective

A l’issue de ce forum, Noëlle Le Noir, avocate et Xavier Lépine, Président, Paris-Île de France Capitale Économique, ont présenté 20 propositions pour renforcer l'attractivité du Grand Paris, comme place de droit en Europe et dans le monde. .

Noëlle Le Noir a invité à renforcer le dialogue entre avocats et magistrats. Par ailleurs, elle a plaidé pour « soutenir la langue, non pas par une démarche offensive, mais par l’accueil des étudiants étrangers et des professeurs étrangers ». Le groupe de travail va plus loin encore en proposant d’instituer un diplôme de l’ENM pour les magistrats à titre étranger.

Elle a également évoqué la nécessité pour les entreprises de s’emparer des questions juridiques : « Je suis frappée de voir que dans les grandes entreprises multinationales le directeur juridique est systématiquement au COMEX mais pas dans les plus petites entreprises. Aux États-Unis, Au Royaume-Uni, le directeur juridique fait partie de la composante stratégique. Le droit est un instrument de pouvoir, de puissance. J’incite donc à cette imprégnation du droit dans les entreprises » a poursuivi Noëlle Le Noir. Le groupe de travail recommande notamment de reconnaître la confidentialité des avis des juristes d’entreprise pour « se mettre à niveau et donner la possibilité aux directeurs juridiques d’être sincères dans leurs conseils aux chefs d’entreprise ».

Les autres propositions traitent de la garantie des droits. « Cette sécurité juridique passe par tous les modes de résolution des conflits » selon l’ancienne ministre. Les sentences arbitrales doivent rester l’affaire des parties et « ne doivent pas systématiquement être remises en cause ». La médiation doit également devenir une « sorte de droit commun ». En ce qui concerne la transaction pénale, le groupe de travail préconise d’étendre le CJIP dans sa portée et de la sécuriser davantage.
Enfin, il s’agit aussi de lutter contre des abus en matière de délais de procédure, mais aussi mieux encadrer les associations en leur fixant des exigences de transparence financière et de gouvernance.

Donner une traduction concrète au renforcement de l'attractivité de la Place de Paris

Rémi Decout-Paolini, directeur des affaires civiles et du Sceau

Invité à commenter les propositions, Rémi Decout-Paolini, directeur des affaires civiles et du Sceau (DACS), a salué les travaux du groupe de travail : « Nous partageons tous cette ambition. Notre responsabilité commune est de donner une traduction concrète à cet objectif de renforcement de l’attractivité de la place de Paris . Le Forum a formulé 20 propositions dont la très grande majorité intéresse le champ de la DACS. La diversité et la richesse de ces propositions illustrent la fécondité du lien que doivent entretenir le monde économique et le ministère de la Justice pour rendre le droit plus attractif ».

Il a rappelé que la DACS est « résolument engagée dans la mise en œuvre de réformes destinées à accroître l’attractivité du droit français » : réforme du droit des contrats, réforme du droit des sûretés, installation de la juridiction unifiée du brevet, création des chambres internationales, renforcement de la loi de blocage ou encore liberté d’installation des professions réglementées.

Il a également précisé que d’autres réformes vont être menées : contrats spéciaux, le développement des modes amiables – en particulier la médiation -, la codification du droit international privé, la refonte du droit de la responsabilité civile. « L’objectif général est de mettre à disposition des acteurs économiques dans leurs domaines d’intervention, et pour une meilleure sécurité juridique, un droit modernisé, accessible et efficace ».

S'agissant des propositions, il a souligné que la « DACS est favorable à un grand nombre de vos propositions ». Elle a parfois anticipé les attentes du forum. Ainsi, la proposition 11 qui rejoint la proposition du rapport Gauvain de 2019 a été satisfaite par un décret du 18 février 2022 qui a désigné le SISSE comme guichet unique capable de mieux accompagné les entreprises confrontées à des demandes de communication de documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, financier ou technique émanant d’autorités judiciaires ou publiques étrangères. « Il faudra un premier bilan de sa mise en œuvre et voir ensemble s’il convient d’aller plus loin ».

Certaines propositions font l’objet d’un examen attentif  : la proposition 8 qui vise à prévoir systématiquement un calendrier des procédures et rendre l’amende civile pour manœuvres dilatoires dissuasive est étudiée par les services de la DACS.

D’autres propositions recueillent l’assentiment de la direction mais nécessitent une analyse approfondie compte tenu de leur technicité. Ainsi, la proposition 9 rejoint les réflexions en cours de la DACS dans le cadre des travaux engagés de transposition de la directive action de groupe qui vise à la fois à simplifier l’action de groupe au niveau national et introduire une action de groupe transfrontière afin de renforcer l’attractivité du dispositif. Pour autant, « la transposition doit arriver à un équilibre pour renforcer l’accessibilité et l’efficacité de l’action de groupe en France tout en contenant les risques réels, avérés d’instrumentalisation à des fins de déstabilisation ou purement lucratives ».

La proposition numéro 2 sur la publication des sentences arbitrales en matière commerciale est jugée très intéressante et permettrait de valoriser le rôle de la place de Paris. « Elle s’inscrit, à l’heure de l’open data, c’est dans le sens de l’histoire ».

Le directeur des affaires civiles et du Sceau est aussi favorable au projet de Code européen des Affaires.  « Ce projet a été largement soutenu. Il s’inscrit pleinement dans les objectifs du Traité d’Aix-La Chapelle, dans le prolongement des annonces du Président Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne en 2017. Mais, force est de reconnaître que le poids des habitudes, la difficulté de penser en dehors du cadre juridique existant, n’ont pas encore permis d’emporter la conviction de la Commission européenne pour le lancement d’une initiative forte en ce domaine ».

D’autres propositions sont plus délicates. Ainsi, la proposition numéro 3 visant à encadrer la recevabilité des recours en annulation des sentences arbitrales en réaction à la récente évolution jurisprudentielle de la Cour de cassation. Il en est de même pour la proposition 10 : « si l’objectif d’éviter tout blocage abusif de l’action des pouvoirs publics poursuivi par la proposition numéro 10 est tout à fait compréhensible, l’encadrement accru du référé-liberté devant le juge administratif nous paraît dans le contexte actuel hors d’atteinte. Il serait excessif de considérer que le référé-liberté serait à l’origine de blocage de l’action publique ».

Enfin, s'agissant de la proposition de créer une Direction du Droit économique distincte de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau, Rémi Decout-Paolini a indiqué que si l’objectif qui vise à repositionner fortement le ministère de la Justice au cœur de la promotion du droit économique est partagé, la solution suggérée ne lui paraît pas être la bonne. « Plus qu’à une division, c’est au contraire à une hybridation renforcée du civil, du commercial, de l’économique qu’il faut travailler pour porter l’enjeu de l’attractivité ». Il a précisé que la DACS envisage de créer un pôle identifié qui pourrait s'appeler « attractivité du droit et innovation juridique ». L’objectif serait de permettre aux acteurs publics de disposer d’un point de contact identifié et de cristalliser dans l'organisation la volonté politique de renforcement de l’attractivité de la place de Paris.

Arnaud Dumourier (@adumourier)    

Voir aussi : 

La France peut-elle reprendre l’avantage sur le droit anglo-saxon ?

Le droit français apporte-t-il des garanties suffisantes aux entreprises ?

20 propositions pour renforcer l’attractivité du Grand Paris, Place de Droit en Europe et dans le monde

Contrats internationaux

1- Promouvoir la rédaction de contrats-cadres en droit français sur le modèle du contrat de la Fédération bancaire française (FBF) ou de l’International Swaps and Derivatives Association (ISDA) dans des domaines autres que le domaine financier

Arbitrage

2- Publier les sentences arbitrales en matière commerciale de manière à mieux valoriser le rôle de la place de Paris, sauf opposition des parties

3- Sécuriser les sentences arbitrales en encadrant la recevabilité des recours tendant à leur annulation contentieuse

Médiation

4- Œuvrer pour la ratification par l’Union européenne de la Convention de Singapour en matière de médiation

Transaction pénale

5- Etendre le champ de la Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP) à d’autres infractions économiques et financières que la corruption et le trafic d’influence

6- Donner des garanties procédurales aux entreprises qui s’engagent dans une démarche de pleine coopération avec le Parquet National Financier (PNF) afin d’aboutir à une CJIP

7- Limiter la possibilité de poursuites pénales ou civiles à l’encontre des personnes physiques en cas de CJIP, lorsqu’il n’y a pas d’enrichissement personnel

Contentieux

8- Prévoir systématiquement un calendrier de procédure et rendre l’amende civile pour manœuvres dilatoires dissuasive

9- Uniformiser aux niveaux de la France et de l’Union européenne les règles relatives à l’action civile des associations et leur fixer des exigences de transparence financière et de gouvernance

10- Encadrer le référé-liberté pour éviter tout blocage abusif de l’action des pouvoirs publics

Litiges internationaux et transmission de preuves

11- Renforcer l’appui aux entreprises confrontées à des demandes de discovery ou de pre-trial

12- Appliquer les sanctions de la loi Preuves du 26 juillet 1968 (dite improprement de blocage) en cas de transmission d’informations portant sur des enjeux de souveraineté

13- Permettre au juge de subordonner la transmission des preuves à l’étranger au paiement par le demandeur de tout ou partie des frais exposés par la collecte et le transfert de ces preuves

Juridictions

14- Prévoir la possibilité de taxation des justiciables dans le cadre des contentieux commerciaux en fonction des enjeux en cause

15- Promouvoir la justice économique en valorisant notamment les chambres commerciales du tribunal de commerce et de la Cour d’appel de Paris

Expertise

16- Promouvoir la valorisation de l’expertise au contentieux

Professions juridiques et judiciaires

17- Reconnaître – enfin à l’instar des autres pays européens – un privilège légal sur les avis des juristes d’entreprise

18- Instituer un diplôme de l’ENM pour les magistrats à titre étranger

Ministère de la Justice

19- Créer une Direction du Droit économique distincte de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau

Droit des Affaires de l’Union

20- Promouvoir l’adoption rapide d’un Code Européen des Affaires


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