Sylvie Gallage-Alwis, Avocate, Hogan Lovells revient sur les résultats 2015 de la DGCCRF.
Chaque année, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) publie le bilan des contrôles qu'elle a effectués l'année passée. C'est ce qu'elle a fait, s'agissant de son bilan pour l'année 2015, le 8 mars dernier.
Ce bilan est particulièrement intéressant à étudier dans le présent contexte de mutation du droit de la consommation amorcé par la Loi Consommation du 17 mars 2014 (dite "Loi Hamon"). En effet, cette loi a non seulement créé de nouvelles obligations pour les fabricants, les obligeant à s'adapter rapidement à de nouvelles exigences, mais a aussi renforcé les pouvoirs d'enquête et de sanctions de la DGCCRF. Par ailleurs, la création de l'action de groupe "consommation" rend particulièrement sensible toute constatation et publication d'une non-conformité par les autorités. En effet, ceci pourrait servir de point de départ aux associations autorisées à initier ce type de procédure.
Afin de comprendre le type d'actions que la DGCCRF est susceptible d'engager et les produits qui attirent son attention, il est essentiel de se pencher sur ce bilan et les publications régulière de cette autorité de surveillance du marché.
Augmentation du nombre de sanctions
L'augmentation de la force répressive de la DGCCRF transparaît très clairement de son bilan. En effet, si le nombre de contrôles effectués en 2015 est légèrement inférieur à celui déclaré pour 2014 (sauf pour les contrôles de sites internet qui sont passés de 10.300 à 10.450), les suites données aux actions de la DGCCRF sont plus nombreuses et plus lourdes.
Cette augmentation du nombre de manquements constatés et de sanctions appliquées alors même que le nombre de contrôles effectués a diminué est un bon indicateur du fait que l'extension des pouvoirs d'enquête de la DGCCRF a été exploitée.
C'est ainsi que 115.830 manquements ont été constatés en 2015 contre 111.200 en 2014, 13.897 procès-verbaux ont été dressés en 2015 contre 10.900 en 2014 et 17.701 mesures de police administrative ont été prises contre 12.600 en 2014.
Par ailleurs, nouveauté introduite par la Loi Hamon, la DGCCRF indique qu'elle a conclu 2.914 transactions et prononcé 1.671 amendes administratives, allégeant ainsi, selon elle, le nombre de dossiers qui auraient pu déboucher sur une procédure pénale. On peut s'attendre à une augmentation significative de ce type de sanctions, le souhait affiché des autorités étant de ne référer aux juridictions que les cas qu'elles estiment être d'une particulière gravité ou qui peuvent impacter un nombre conséquent de consommateurs.
Augmentation du nombre d'alertes reçues
La DGCCRF indique qu'en 2015, elle a dû gérer 1.167 alertes, contre 1.048 en 2014. Comme en 2014, le nombre d'alertes d'origine nationale était très largement supérieur au alertes communautaires et il y a eu plus d'alertes relatives à des produits non-alimentaires (631) qu'alimentaires (536). La DGCCRF a par ailleurs informé les autres Etats Membres via la plateforme européenne RAPEX dans 375 dossiers.
Les secteurs principalement concernés par ces alertes restent les mêmes s'agissant des produits non-alimentaires : les jouets, les appareils électriques et les cosmétiques. Pour les produits alimentaires, on dénombre classiquement les produits végétaux, compléments alimentaires et aliments pour animaux.
Des contrôles axés sur des substances ou technologies qui font débat
On peut remarquer que la DGCCRF a mené un certain nombre d'enquêtes sur des substances ou produits qui ont pu être dénoncés par certains comme pouvant générer un risque pour la santé. Certains d'entre eux ont parfois même fait l'objet d'une application du principe de précaution par l'Etat. D'autres enfin ont été à l'origine de contentieux récents destinés à voir juger un lien de causalité avec le développement de certaines maladies.
C'est ainsi que la DGCCRF a enquêté sur les résidus de pesticides dans les produits d'origine végétale et détecté 3 % de dépassements des limites maximales autorisées. Plus généralement, elle a demandé au Service commun des laboratoires d'analyser les résidus de pesticides dans tous les aliments.
La DGCCRF a également enquêté sur les médicaments vétérinaires interdits pour l'élevage d'animaux destinés à la consommation humaine.
Les produits chimiques, très largement critiqués récemment à la suite d'un reportage sur les produits du quotidien pouvant en contenir, ont également très largement été contrôlés, tout comme les produits cosmétiques avec des analyses de leurs compositions et des teneurs en certaines substances.
Autre secteur, les cigarettes électroniques ont été analysées par le Service commun des laboratoires afin de participer "aux travaux de normalisation en cours".
Plus original, dans le secteur des télécommunications, la DGCCRF a enquêté sur les patches anti ondes pour téléphone mobile et constaté certaines pratiques d'allégations non conformes.
Le secteur alimentaire toujours en ligne de mire
Le secteur alimentaire reste un secteur de prédilection pour la DGCCRF dans la définition de ses opérations. Comme indiqué précédemment, la présence de pesticides et de médicaments vétérinaires a été contrôlée. La DGCCRF a en outre décidé de participer à un projet scientifique d'envergure, aux côtés de l'EFSA (Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments) pour faire évoluer les limites maximales acceptables de pesticides dans les aliments.
Les compléments alimentaires ont également été surveillés et particulièrement ceux vendus en ligne. C'est ainsi que sur 78 sites internet contrôlés, 80 % utiliseraient, selon la DGCCRF, des allégations de santé non autorisées ou des allégations faisant état de propriétés thérapeutiques.
La DGCCRF consacre enfin un encadré spécifique au réseau européen "Food Fraud" qui aurait reçu 71 notifications et saisines pour suspicions de fraude dans le secteur alimentaire.
Sylvie Gallage-Alwis, Avocat à la Cour, Hogan Lovells