Vers une Assiette Commune et Consolidée de l’Impôt sur les Sociétés dans l’Union européenne ?

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Philippe Durand & Emmanuel Raingeard de la Blétière - Avocats - Landwell & AssociésLe projet d’ACCIS a nécessité plus de neuf ans de préparation. Il s’agit probablement du projet le plus ambitieux, en matière fiscale, depuis la directive instaurant la TVA dans la Communauté économique européenne. Selon le Commissaire européen Algirdas Semeta, chargé de la fiscalité, des douanes, de la lutte anti-fraude et de l’audit, l’ACCIS sera « plus facile, plus économique et plus pratique pour les entreprises », mais quels obstacles pourraient se lever sur sa voie ?

 

 

L’ACCIS : « plus facile, plus économique et plus pratique pour les entreprises »

Au sein du « marché unique » de l’Union européenne, les entreprises établies dans plusieurs Etats membres doivent calculer, déclarer et acquitter leurs impôts selon les règles applicables dans chacun d’eux. De plus, les prix des transactions intra-groupe doivent être déterminés en suivant les législations gouvernant les « prix de transfert ». Cette situation est source de complexité et de coûts mais crée aussi des obstacles à l’investissement transfrontalier en la forme de doubles impositions, d’absence de consolidation des résultats...

Plus simple

Le projet d’Assiette Commune Consolidée d’Impôt sur les Sociétés vise à instaurer un corps de règles unique pour la détermination du résultat imposable des sociétés établies dans l’Union européenne. L’ACCIS, qui serait optionnelle pour l’entreprise, conduirait à ce que les règles d’amortissement, par exemple, seraient les mêmes dans les 27 Etats de l’Union, tout comme l’imposition des plus-values sur les titres de participation, les règles visant à lutter contre la sous-capitalisation ou contre la délocalisation de bénéfices.

L’assiette de l’impôt sera consolidée, c'est-à-dire qu’elle prendra en compte l’ensemble des résultats que le groupe réalise au sein de l’Union européenne au travers de ses établissements stables et de ses filiales.

Elle sera répartie entre les différents Etats membres en fonction de trois facteurs appréhendant la situation du contribuable, chacun  ayant la même pondération : les immobilisations, la main d’œuvre et le chiffre d’affaires. Chaque Etat membre est alors libre d’appliquer son taux d’imposition, taux qui ne fera donc pas l’objet d’une harmonisation.

Plus économique

La Commission ne peut que susciter l’intérêt des entreprises lorsqu’elle met en avant que ce projet devrait leur permettre d’économiser 700 Millions d’euros de coûts de mise en conformité et 1,3 Milliard d’euros du fait de la consolidation. Les entreprises désireuses de s’implanter dans d’autres Etats membres pourraient, quant à elles, réaliser 1 Milliard d’euros d’économie !

Cela étant, des études font apparaître que l’assiette commune serait, en moyenne, plus large que les assiettes nationales, ce qui pourrait être compensé par la consolidation des résultats. Il est, en revanche, difficile de prédire les évolutions de taux que l’ACCIS devrait susciter. En contrepartie des avantages et de la suppression de plusieurs obstacles, les opportunités de planifications fiscales, à l’intérieur de l’UE, seront nécessairement plus réduites.

Plus pratique

Les déclarations fiscales seraient adressées à « un guichet unique » qui assurerait également l’établissement de l’impôt.

L’ACCIS : quels obstacles ?

Outre la traditionnelle tendance des Etats membres à défendre jalousement un des derniers bastions de leur Souveraineté économique qu’est le domaine fiscal, on peut anticiper plusieurs difficultés.

Le manque de visibilité pour les Etats membres

La diversité des effets de l’ACCIS, notamment sur la base d’imposition ou sur les opportunités de planification rend difficile l’appréciation de l’incidence d’une telle réforme sur les finances publiques et sur l’activité économique par les Etats membres. Cette difficulté serait amplifiée par le caractère optionnel du régime pour les entreprises qui auront le choix d’appliquer ces règles communes ou de continuer à appliquer les différentes législations nationales des Etats membres dans lesquels elles sont établies.

Une chose est certaine, il y aura, des gagnants et des perdants.

La transparence de la concurrence fiscale

Dans le cadre de l’ACCIS et sous réserve de son caractère optionnel, le taux d’imposition deviendrait le canal unique de la concurrence fiscale. Cela introduirait ainsi davantage de transparence, ce qui n’est pas fait pour plaire à certains.

L’unanimité

L’agenda de la Commission prévoit que la proposition de directive pourrait être adoptée par le Conseil, à l’unanimité, en 2013. On peut imaginer qu’un certain nombre d’Etats n’acceptent pas d’emblée le caractère optionnel, la consolidation des résultats et ses clefs d’allocation.

Pour contourner cette difficulté et la règle de l’unanimité, le recours à la procédure de la « coopération renforcée » pourrait permettre à un groupe d’Etats membres d’aller de l’avant et d’appliquer, entre eux, ce texte. Cette seule perspective pourrait inciter certains Etats à faire des concessions, de peur de rester en marge de cette évolution majeure.

Philippe Durand, Avocat Associé, Landwell & Associés
Ancien chef du service juridique de la DGI
et
Emmanuel Raingeard de la Blétière, docteur en droit, Directeur, Landwell & Associés

Landwell & Associés, société d’avocats, est membre du réseau international PwC


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