En livrant aux lecteurs son opinion, fût-elle empreinte de subjectivité et d'une insuffisante rigueur, l'auteur d'un ouvrage mettant en doute les capacités financières d'une entreprise, n'a en rien méconnu les exigences de l'article 10 de la CEDH.
L'éditeur et dirigeant d'une société d'édition a publié un livre écrit par un homme présenté comme un journaliste économique et financier. L'ouvrage exprimait des doutes sur la capacité financière de la société Pinault-Printemps-Redoute (la société PPR), dénommée depuis Kering, à tenir son engagement de racheter à la société LVMH des actions de la société Gucci, une reproduction de la couverture de l'ouvrage étant par ailleurs affichée dans l'emplacement consacré aux cours de bourse de la société PPR au sein d'un espace publicitaire du site Boursorama. com acquis par l'éditeur.
La société PPR, après l'échec définitif d'une procédure pénale pour diffusion d'informations fausses ou trompeuses de nature à agir sur le cours d'un titre réglementé, a recherché la responsabilité civile pour faute de l'éditeur, de la société venant aux droits de la société d'édition, et de l'auteur, leur reprochant d'avoir, par mots imprudents ou agressifs, introduit dans l'esprit des détenteurs ou acquéreurs du titre une image dégradée de celui-ci et d'elle-même.
La cour d'appel de Paris a débouté la société PPR de ses demandes. Les juges du fond ont retenu que hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1382 du code civil. La cour d'appel relève que, par son intitulé même, l'ouvrage litigieux s'adressait à une clientèle plus large que celle des publications spécialisées en matière financière, et que, "dans l'affaire du rachat de Gucci par la société PPR ", il a été définitivement jugé que les informations livrées par l'auteur n'étaient ni mensongères, ni fausses, ni trompeuses, de sorte qu'en livrant aux lecteurs son opinion, fût-elle empreinte de subjectivité et d'une insuffisante rigueur, l'auteur n'a en rien méconnu les exigences du second paragraphe de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La Cour de (...)