L’interdiction de parler aux codétenus est contraire aux Règles pénitentiaires européennes et peut, en présence de circonstances aggravantes, s'analyser en un traitement inhumain et dégradant.
Un détenu ukrainien purgeant une peine de réclusion à perpétuité, a reçu une sanction disciplinaire pour avoir salué un codétenu pendant une promenade dans la cour de la prison, au motif que les contacts étaient interdits.
Son recours administratif contre cette décision a été rejeté et il n'a pas été autorisé à former un pourvoi en cassation.
A treize reprises, le détenu s'est plaint d’une détérioration de son état de santé physique et mental en raison de l’absence de contact avec ses codétenus et il a demandé à cet égard, en vain, un traitement médical et psychologique. Il a également sollicité, toujours en vain, le bénéfice d’une formation professionnelle.
Se plaignant de l’interdiction permanente de tout contact avec les détenus d’autres cellules de l'absence de recours effectif pour y remédier, le détenu a saisi la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Dans son arrêt rendu le 16 décembre 2021 (requête n° 45397/13), la CEDH note tout d'abord que le texte sur lequel était fondée l’interdiction de communiquer avec les codétenus avait été abrogé en 2015.
Elle énonce ensuite qu'empêcher les détenus de converser entre eux est contraire aux Règles pénitentiaires européennes en ce qu’il s’agit d’un refus d’assurer "un niveau suffisant de contacts humains et sociaux".
La CEDH constate l’existence des circonstances aggravantes suivantes : le confinement presque permanent du requérant dans sa cellule, avec seulement une brève promenade à l’extérieur et sans pouvoir exercer d’activités motivantes ; l’application automatique de l’interdiction sur la seule base de la peine infligée, sans la moindre possibilité de réexamen ; la longue durée de la mesure en question ; la détérioration de la santé du requérant ainsi que l’absence de toute suite appropriée donnée à ses plaintes et demandes d’assistance y relatives.
La Cour conclut que l’interdiction de toute communication du requérant avec les détenus d’autres cellules, concomitamment aux autres circonstances évoquées, s’analyse en un traitement inhumain et dégradant contraire à l'article 3 de la Convention (...)