Le délai de prescription de l'action en indemnisation résultant du manquement d'un établissement de crédit à son devoir de mise en garde commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face.
Une banque a consenti à une société civile immobilière (SCI) un premier prêt remboursable in fine à l'issue d'une période de 14 ans, garanti par le nantissement de deux contrats d'assurance-vie souscrits par deux associés de la SCI. La banque a consenti à ces derniers un second prêt quelques années plus tard.
Reprochant à la banque un manquement à son devoir de mise en garde, d'information et de conseil ainsi qu'une erreur affectant le taux d'effectif global (TEG) stipulé dans les deux prêts, les associés et la SCI l'ont assignée en responsabilité et en annulation de la stipulation de l'intérêt.
Pour déclarer prescrite la demande d'indemnisation de la SCI au titre du premier prêt, la cour d'appel de Grenoble a retenu que le dommage résultant du manquement d'un établissement de crédit à son obligation de mise en garde consistait en une perte de chance de ne pas contracter et se manifestait donc dès la conclusion du contrat de prêt.
La Cour de cassation invalide ce raisonnement le 22 janvier 2020 : le dommage résultant du manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt consiste en la perte d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, ce risque étant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt. De sorte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face.
En statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce.
Références
- Cour de cassation, chambre commerciale, 22 janvier 2020 (pourvoi n° 17-20.819 - ECLI:FR:CCASS:2020:CO00045), M. et Mme Q. et société civile immobilière (SCI) Seiglière c/ Caisse (...)